Dans “Ennemi intime”, diffusé sur Infrarouge sur France 2 ce mercredi 30 mars à 22h50, les réalisatrices Ilmilie Grall et Marie-Christine Gambart s’adressent à cinq personnes, victimes de ce qu’elles appellent un “viol numérique” sans fin. Car même des années plus tard, des images de certains sont toujours en ligne. Les femmes représenteraient 90% des victimes de ce phénomène, dont de nombreux mineurs. L’inexpérience et la vulnérabilité augmentent le risque d’être victime de “revenge porn”. C’est après la révélation d’une “vidéo de sexe” que Maëlle, 14 ans, a mis fin à ses jours.
90% des victimes sont des femmes
Dans le documentaire, la mère de Zara témoigne depuis la Belgique. Lorsqu’elle a découvert sa fille sans vie dans sa chambre le 31 janvier 2020, elle a également appris qu’elle avait été victime de “revenge pornography” par son ex-petit ami (voir l’extrait du documentaire en tête d’article). La jeune fille a laissé son ordinateur portable sur son lit, avec son code PIN visible. “Un adolescent victime de pornographie vindicative est un jeune en danger de mort.” – Zara, la mère de Maëlle Sur le téléphone de la fille, une vidéo est destinée à ses parents. Elle explique ses souffrances auxquelles elle va mettre fin. Sa mère ne la regardera qu’une seule fois. “C’était vraiment choquant de découvrir tout ce drame, qu’elle vive seule derrière son écran”, a-t-elle déclaré. Bien sûr, les auteurs de “revenge porn” misent sur ce ressort : que la honte est plus forte et devient pour eux un outil de domination. C’est aussi souvent au moment de la séparation que le chantage commence. C’est le cas de Sophia, 40 ans aujourd’hui.
“Vous n’avez pas le choix, vous ne pouvez pas partir”
Elle était jeune à l’époque et était en couple avec un homme plus mûr. Un jour, alors qu’il fait l’amour, il se rend compte qu’il la filme. « Sous emprise », il finit par accepter que la vidéo ne soit pas supprimée. Mais après plusieurs mois, il veut mettre fin à leur relation. L’homme répond alors : “Tu n’as pas le choix, tu ne peux pas partir” et menace alors de révéler ladite vidéo. “C’est le plus gros bouleversement de ma vie”, déclare Sophie. Je me dis que c’est une catastrophe et que si c’est le cas, j’en mourrai. L’homme finira par envoyer la vidéo à ses proches et la publiera sur Internet. Pour Samira, 35 ans, c’est le même schéma : en couple avec un homme qui la maltraite verbalement et va sur des sites de rencontres sans le savoir, elle décide de le quitter. C’est là que commence le harcèlement. Dans son cas, l’ex rejetée ira jusqu’à poster des petites annonces, avec son nom et ses coordonnées, indiquant qu’elle est une “prostituée” et qu’elle accepte chez elle. Lorsque David, aujourd’hui âgé de 31 ans, décide de quitter sa compagne, il fait face à un chantage au suicide et à des crises d’épilepsie. L’homme en question secoue l’intention de diffuser une vidéo qui a été prise sans le savoir dans sa chambre, mais aussi de « ruiner sa vie » en révélant à ses parents qu’il est gay. Il mettra également ses menaces à exécution.
“Un acte au caractère indélébile”
Dans les démarches qui aident les victimes à s’en sortir – mais pas indemnes – le fait de prendre la parole et de porter plainte contre ce que l’avocate Delphine Meillet n’hésite pas à qualifier de “viol numérique” semble essentiel. “C’est un acte indélébile, car tout au long de sa vie on va vérifier si sa photo ou son nom ont été effacés”, souligne-t-il. Et ils peuvent réapparaître à tout moment.” Les auteurs de “revenge porn” sont condamnés jusqu’à deux ans de prison ou 60 000 euros d’amende. L’association e-Enfance met en place des outils d’aide à la lutte contre le cyberharcèlement et gère le numéro national 3018 des victimes de violences numériques accessible via le chat. Lors d’un atelier de sensibilisation pour adolescents, presque tout le monde sait ce que signifie “revenge porn”. L’instructeur leur donne des conseils : “On fait une capture d’écran, on signale, on bloque, on parle à des adultes de confiance, on porte plainte et on appelle e-Enfance si besoin”, se souvient-il. Malgré la plainte, le nom de Samira et les publicités sont toujours là. La justice tarde à être rendue et la jeune femme est dans une impasse. “Face à un futur patron, comment dois-je m’y prendre ?” demande-t-elle en attendant le procès de son agresseur, dont l’audience vient d’être reportée d’un an.
“Changer le rapport de force”
Pour David, la plainte “a changé le rapport de force”. “Je veux que la peur change de camp”, dit-il après avoir été longtemps seul avec ses symptômes dépressifs. Maintenant, c’est moi qui sers le jaune et c’est lui qui va le goûter”. Comme lui, 15% des homosexuels sont victimes de “revenge pornography”. Les conséquences psychologiques pour les victimes sont très graves. “Je vais forcément me demander s’il n’y a pas de psychopathe ou de narcissique pervers derrière la personne que je rencontre”, avoue David. “Je ne sais pas si un jour je pourrai à nouveau faire confiance à quelqu’un”, a déclaré Charlotte, dont l’ex-petit ami a installé sans le savoir des caméras chez lui, filmé et posté leur piratage sur Internet pendant leurs deux ans de relation. . La jeune femme va découvrir la vérité en appelant le commissariat.
Arrêtez Fisha
La réaction de l’environnement n’est pas toujours proportionnelle au traumatisme et contribue à leur sentiment de culpabilité. “Il y a des gens qui m’ont dit:” Ce n’est pas gentil, mais ils ne t’ont pas violée “”, a déclaré Charlotte. “Quand ma mère m’a dit que ce n’était pas ma faute, elle m’a fait du bien.” Le père de Sophia restera longtemps en colère contre sa fille, pourtant elle est une victime. Pendant le confinement, les cas de “pornographie de vengeance” ont augmenté. Puis est né le collectif Stop Fisha, qui lutte contre toutes les violences sexuelles par le biais du cyberharcèlement. Grâce à elle, des milliers de comptes ont bondi. Ils offrent aux victimes un soutien juridique et psychologique. Face aux ados, e-Enfance tente de distiller les “bonnes pratiques” si vous souhaitez envoyer un “nude” à quelqu’un : envoyer une photo ou une vidéo sans marques reconnaissables, sans voir votre visage ni aucun signe distinctif. Il en va de même pour l’environnement : qu’il n’y a aucun élément dans la boîte qui permette d’identifier une pièce. L’ennemi familier est diffusé le mercredi 30 mars à 22h50, dans le cadre d’une nouvelle soirée spéciale de mobilisation contre le cyberharcèlement, avec le hashtag #aimesanshaine. En première partie de soirée, une fiction inédite, Mise à nu, réalisée par Didier Bivel, met en scène une femme également victime de “revenge porn”. À lire aussi Le HuffPost : Abordée “nue” et cyberharcèlement, comment Aliya peine à trouver des solutions