Posté à 18h00

Le score de soccer du Canada. Après les femmes, médaillées d’or aux Jeux de Tokyo, ce sont désormais les hommes qui brillent. Dimanche, ils ont obtenu leur billet pour la prochaine Coupe du monde. Cet exploit met fin à une léthargie de 35 ans dans laquelle les Canadiens ont visité les abysses du football international et s’y sont perdus trop longtemps. À son point le plus bas, il faisait très, très sombre. C’était il y a 10 ans. Tu as oublié? C’est parce que les Reds ont joué dans l’indifférence la plus totale. Entre octobre 2012 et août 2014, l’équipe nationale a disputé 15 matches. Il n’en a gagné aucun. Dans le même temps, ils ont perdu 8-1 contre le Honduras, et ont perdu contre des chatons comme la Martinique et la Mauritanie (en match amical). Pire : annulé le 0-0 contre… Saint-Christophe-et-Nevis. Quoi ? Est-ce un vrai pays, M. Chronicle ? Oui, oui, je te le jure. Ouvrez Google Maps. Rendez-vous aux Antilles. Voyez-vous la petite île en forme de poisson rouge entre Anguilla et Antigua ? Eh bien, c’est la Fédération de Saint-Kitts-et-Nevis (Saint-Kitts-et-Nevis en abrégé). Un pays moins densément peuplé que Blainville et dont le stade national est deux fois plus petit que celui de l’Université de Montréal. Heureusement, nos représentants avaient remporté le match revanche. Mais cela vous donne une bonne idée des profondeurs d’où émergent les Canadiens. De mémoire, je ne me souviens d’aucune autre équipe nationale ayant fait un retour aussi spectaculaire en si peu de temps. Comment s’explique ce succès soudain ? Ce n’est pas le résultat d’une seule décision, mais d’une série d’initiatives, explique Patrick Leduc, directeur de l’académie du CF Montréal, qui a disputé quelques matchs avec l’équipe nationale en 2005. Leduc a grandi sur la côte sud dans les années 1990. Nous sommes allés au même lycée, en même temps. Mes amis jouaient avec lui. Déjà, à cette époque, c’était trois ticks au-dessus des meilleurs. À trois reprises durant l’été, dit-il, il est allé à des tournois aux États-Unis pour affronter des joueurs autres que québécois. Le niveau était bon, se souvient-il. Mais c’est incomparable au niveau d’adversité auquel les meilleurs joueurs du pays sont confrontés aujourd’hui, depuis leur adolescence. “Ce qui a le plus changé ces dernières années, c’est le niveau d’opposition”, a-t-il déclaré. Pour démontrer son point de vue, il donne l’exemple fantastique de l’équipe de hockey bulgare. “Si les Bulgares ne s’affrontent que pendant des années, ils ne pourront jamais participer à la Coupe du monde. Si tel est leur objectif, ils doivent affronter les Canadiens, les Russes, les Suédois. Pour avancer, il faut un contraste qualitatif. Cela est vrai pour le hockey et le football. » Les joueurs canadiens, a-t-il dit, sont mieux préparés à l’avance pour le match qui se jouera dans la zone canadienne, la CONCACAF. Les jeunes sont aussi rapidement exposés à des contrastes de qualité, notamment dans les académies des clubs MLS canadiens, comme celui du CF Montréal. Dans ces programmes, ils ont la possibilité de se réconcilier avec les espoirs des autres clubs MLS. Plusieurs joueurs de l’équipe nationale ont grandi dans ces structures. C’est notamment le cas des vedettes Alphonso Davies (Vancouver), Jonathan Osorio, Mark-Anthony Kaye et Liam Fraser (Toronto), ainsi que du gardien Maxime Crépeau (Montréal). “Ces académies ont énormément contribué au développement de l’élite du football au pays”, a déclaré le PDG de Soccer Québec, Mathieu Chamberland. “D’ailleurs, le succès de l’équipe canadienne coïncide avec le développement de ces académies. » En fait, dit Mathieu Chamberland, la qualité du développement s’est améliorée partout au pays. Il n’y a jamais eu un si grand bassin de joueurs de qualité au Canada. Parmi les facteurs clés souligne l’amélioration des infrastructures. Dans les années 1980 et 1990, les joueurs d’élite étaient déjà entraînés cinq fois par semaine, 10 à 12 mois par an. L’été, à l’extérieur. En hiver, sur une surface dure, dans un lycée. Aujourd’hui, les espoirs foulent une grande pelouse, en juillet comme en décembre. Ces centres de formation ont permis d’améliorer significativement l’offre de cursus sportifs. Prenons le cas de l’école secondaire Louis-Riel dans la région d’Ottawa. Depuis 2005, les étudiants ont accès au Dôme, un stade couvert qui leur permet de jouer toute l’année, quelle que soit la météo. De ce programme sont sortis l’attaquant vedette Jonathan David et l’olympienne en or Vanessa Gilles. L’équipe nationale de Montréal et recrue des FC Ismaël Koné s’est entraîné au CS Saint-Laurent, situé dans l’arrondissement du même nom, où un magnifique terrain de soccer intérieur a été inauguré en 2017. PHOTO PATRIC WOODBURY, LE DROIT John Herdman, entraîneur de l’équipe nationale masculine du Canada Enfin, il convient de noter que le Canada a très bien embauché. Cela commence par l’homme en charge du programme, John Herdman. L’entraîneur d’origine britannique est capable, apprécié et respecté de tous. Sa présence est un atout pour persuader les joueurs à double nationalité de s’aligner pour le Canada, au lieu de leur pays de naissance ou de l’État dans lequel ils sont actuellement basés. Le succès récent de l’équipe nationale et le fait que le Canada présentera des pièces de la Coupe du monde 2026, sont deux autres bonnes cartes pour séduire les joueurs transnationaux. Et le meilleur de tous? L’âge d’or du football canadien vient de commencer. Avec cette qualification donc, l’effervescence qui entourera la Coupe du monde 2026, on s’attend à une augmentation des inscriptions dans la prochaine décennie. Et plus l’équipe de joueurs est grande, plus la compétition est intense et meilleures sont les chances de trouver une pépite. Le Canada ne deviendra pas la France ou l’Allemagne du jour au lendemain. Mais il ne devrait plus avoir peur de la Fédération de Saint-Kitts-et-Nevis pendant un moment.