Le vent fait souffler le drapeau de la Corse accroché à l’olivier de la place de l’église, au-dessus d’un massif, tout de noir vêtu. Au milieu de cette foule dense sous le soleil printanier, le cercueil d’Yvan Colonna passe au son des polyphonies corses. En date d’aujourd’hui après-midi, le village de Cargèse, berceau de la famille du militant indépendantiste condamné pour l’assassinat du préfet Erignac à Ajaccio, a été entièrement arrêté. Les façades des rues sont couvertes d’étiquettes en l’honneur du plus célèbre berger de la commune et du célèbre drapeau sur la tête de Maure. La dépouille du militant indépendantiste corse est portée par une demi-douzaine d’hommes, dépassés par les “banderas”, l’autre nom des drapeaux de Corse, mais aussi des drapeaux de Sardaigne ou encore de Bretagne. Il n’y a pas ou presque pas de commerces dans le quartier. Personne ici n’avait prévu d’assister aux obsèques de l’enfant du pays, décédé lundi après une violente agression en prison.

Aucune aide à la personne à risque

Dans cette foule sont éparpillés des proches du militant, comme cet Azassien qui ne dira pas son nom. “Ma nièce est mariée au neveu d’Yvan Colonna”, explique-t-elle. Il est très difficile, les circonstances dans lesquelles il est mort. Bien sûr, nous devons laisser faire la recherche. Mais les gens s’interrogent. Très bien, vous avez mis cinquante caméras. On ne peut laisser personne traverser ces huit minutes d’enfer ! Il n’y avait aucune aide de la part du personnel pénitentiaire à quiconque était en danger ! » L’olivier du parvis de l’église de Cargèse — Fanny HAMARD/SIPA “Tu sais, Ivan, ce monsieur, il était comme mon frère”, a déclaré Sandrine. Il a beaucoup aidé ma famille, surtout mon frère dans le passé. Ce monsieur a été condamné. Avec certitude. Mais qu’il le méritait ou non, il ne méritait pas de revenir sur ces terres dans ces conditions, entre quatre planches. En prison, vous êtes censé être toujours en sécurité. »

“Ce serait horrible de laisser partir Yvan sans vengeance”

Outre la famille, des nationalistes locaux ont fait le déplacement, comme Gilles Simeoni, le président exécutif autonome, Jean-Guy Talamoni, l’ancien président du Rassemblement corse pour l’indépendance, ou Charles Pieri, le chef présumé du Rassemblement national de libération corse. Front (FLNC), un mouvement qui a récemment menacé de relancer la lutte armée. Comme s’il signifiait mieux toute la symbolique qui entoure Yvan Colonna et sa mort aujourd’hui, dans une Corse où les revendications séparatistes se font de plus en plus fortes. Et c’est peut-être même cette symbolique qui a poussé la majorité des 3 000 présents à prendre la route de ce petit village qui compte habituellement 1 300 habitants. Marie-Dominique, arrivée de L’Île-Rousse trois heures plus tard, a même passé sa journée à assister à l’événement. Des chants corses résonnent dans l’église et dans les haut-parleurs de la place. pic.twitter.com/4eLUwFyLjy — Mathilde Ceilles (@MathildeCeilles) 25 mars 2022 L’accès à ce contenu a été bloqué pour respecter votre choix de consentement En cliquant sur ” J’ACCEPTE », Vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et ainsi vous aurez accès à des contenus tiers J’ACCEPTE
Vous pouvez également modifier vos options à tout moment via l’”option de consentement”. Plus d’informations sur la page politique de gestion des cookies. “La Corse est une grande famille”, explique-t-il. Nous vivons tous ensemble. Yvan fait partie de la famille. Je suis venu montrer le soutien du peuple corse face à cette injustice, cet acte de barbarie. Il a été attaqué timidement et sauvagement. Il n’y a pas de mots. Il n’y a que des vices. » Celui qui n’a pas caché qu’il a manifesté ces derniers jours lance, en guise d’avertissement : « En ce moment, c’est l’heure du deuil. Mais alors ce sera chaud. Ce serait horrible de laisser partir Yvan sans vengeance. L’État est responsable de ce qui s’est passé. »

“Tu chantes des chants de guerre devant une tombe”

Après un service entièrement en Corse, le cercueil quitte les marches de l’église, lors d’une longue procession silencieuse. Après avoir parcouru de nombreux kilomètres le long de la longue route qui longe la mer, suivi par des milliers de personnes venues assister aux obsèques, certaines vêtues de pansements, la dépouille d’Yvan Colonna est déposée devant le riche dôme familial, dans un espace hors de la route principale. “La famille entre et ensuite vous pouvez rassembler vos pensées près du cercueil”, dit-on en direction des centaines de personnes présentes. pic.twitter.com/29nGGMRd3A — Mathilde Ceilles (@MathildeCeilles) 25 mars 2022 L’accès à ce contenu a été bloqué pour respecter votre choix de consentement En cliquant sur ” J’ACCEPTE », Vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et ainsi vous aurez accès à des contenus tiers J’ACCEPTE
Vous pouvez également modifier vos options à tout moment via l’”option de consentement”. Plus d’informations sur la page politique de gestion des cookies. Dressant le portrait du combattant, les proches d’Yvan Colonna entament des chants corses qui parlent de liberté et d’indépendance. « Vous chantez des chants de guerre devant une tombe ! », s’agace un homme en agitant à la main le bouquet de fleurs sauvages qu’il vient de cueillir. “Ce sont des chansons qu’Yvan adorait ! », répond un membre de la famille Colonna, furieux. La dernière chanson est venue, une vague d’applaudissements a balayé la foule nombreuse. Quelques poings s’élèvent, en cascade, vers le ciel. Nous sommes à des kilomètres de l’olivier, l’arbre de la place de l’église. L’arbre de la paix aussi.