Posté à 5h00
                Suzanne Colpron La Presse             

Ces déclarations du maire de Dorval, Marc Doret, montrent à quel point tous les éléments étaient réunis pour qu’un drame se produise à Ullivik. En moins de 24 heures, deux jeunes mères inuites sont mortes au milieu de l’autoroute la nuit, l’une en fauteuil roulant et l’autre à pied. Mary-Jane Tulugak, 22 ans, du Nunavik, est décédée à l’hôpital le 20 août après avoir été heurtée par une voiture sur l’autoroute 520, en fauteuil roulant, vers 4 h 15. le jour d’avant. Nellie Niviaxie, également du Nunavik, a été percutée samedi matin vers 1 h 15 alors qu’elle traversait à pied l’autoroute 20. Il a été déclaré mort sur les lieux. Tous deux résidaient à Ullivik, un établissement en activité depuis 2016 et destiné aux patients du Grand Nord et à leurs partenaires. Ces deux accidents mortels n’étaient pas les premiers, selon le maire Dorrett. « Y a-t-il eu des accidents dans la région ? Oui”, dit-il.

Proximité des autoroutes

La Ville de Dorval a même pris l’initiative, il y a quelques semaines, d’installer, à ses frais, sur un terrain appartenant au ministère des Transports du Québec (MTQ), une clôture devant le centre Ullivik, situé en bordure de la voie de desserte de la route nationale 520, pour prévenir les accidents. Le maire reconnaît que le site pose des problèmes de sécurité en raison de sa proximité avec les autoroutes. Pas une zone facile pour les piétons et les automobilistes si vous ne connaissez pas la région. Il n’est pas bien éclairé et ce n’est pas résidentiel. Marc Doret, maire de Dorval Un autre problème est la consommation de drogue et d’alcool par certains résidents du centre-ville. Les Inuits séjournant à Ullivik doivent respecter les règles. « Ils sont fouillés par la sécurité à leur arrivée pour savoir s’ils ont de la drogue ou de l’alcool », explique Sonia Mancier, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec du secteur privé, qui connaît l’établissement. Si certains d’entre eux se présentent à la résidence en état d’ébriété, il y a une procédure. «Ils les mettent dans des chambres sobres ou dans la salle d’attente jusqu’à ce que les choses s’améliorent un peu. Ceux qui refusent catégoriquement de se soumettre aux chèques et de donner ce qu’ils ont sur eux peuvent éventuellement être laissés pour compte. » Le maire Dorrett s’interroge cependant sur les mesures de sécurité mises en place par l’établissement pour s’assurer que les résidents sont surveillés pendant leur séjour. “Il y a une discussion avec notre Premier ministre et notre ministre de la Santé pour essayer de comprendre la situation”, dit-il. Il y a des problèmes avec cet établissement depuis plusieurs années. La sécurité des résidents est notre priorité. Mais c’est dur, c’est au bout d’une autoroute. Le MTQ doit sécuriser les lieux et le SPVM [Service de police de la Ville de Montréal] doit être poursuivi. »

Vérifiez le fusible

“Ce que je trouve épouvantable, c’est qu’on attende encore et encore que les choses changent”, ajoute Mme Mancier. On attend que les gens meurent pour réagir. La sécurité autour de cette installation est une nécessité. Pour moi, quand on entreprend un projet près des autoroutes, on s’assure que l’immeuble est sécuritaire et qu’on a les ressources pour cette clientèle. Tout cela doit être géré au mieux. Nous devrions vérifier la sécurité lorsque ces personnes arrivent et demander s’il y a suffisamment de gardes. » De son côté, le SPVM a précisé, par courriel, qu’« il n’avait constaté, au cours des derniers mois, aucune situation particulière dans le secteur du Centre Ullivik ». Sa porte-parole, Caroline Labelle, a ajouté qu’une patrouille autochtone est présente sur le terrain du poste de police de Dorval depuis le mois de mai. Le bureau du coroner a également confirmé mardi qu’une enquête avait été ordonnée sur les décès de Mary-Jane Tulugak et Nellie Niviaxie, “comme c’est le cas pour toute mort violente”. Les enquêtes ont été confiées à Me Éric Lépine, qui est coprésident de la Commission de mortalité autochtone mise sur pied par le Bureau du coroner. La Presse a également cherché à comprendre comment s’établissent les structures de gouvernance et de gestion d’Ullivik, situé sur l’île de Montréal mais relevant du Conseil régional de la santé et des services sociaux du Nunavik. Mais ce dernier n’a pas répondu à nos questions et demandes d’interviews.