Couplée à une croissance atone, cette flambée des prix crée la pire situation économique depuis les années 1970. Ajoutez les dégâts du Brexit et du Covid-19, et le Royaume-Uni menace de glisser vers le statut de “marché émergent”, analyse la banque danoise Saxo. Sortis de leur réserve, les dirigeants du National Health Service (NHS) alertent, de leur côté, sur le risque d’une “crise humanitaire” liée à l’appauvrissement de la population.
Souffle dans le bruit du mécontentement
Dans ce contexte, la multiplication des grèves visant à obtenir des augmentations de salaire n’est pas surprenante. Après les cheminots et les tubers de Londres, les 1 900 membres du syndicat Unite employés au port de Felixstowe (est de l’Angleterre), qui traite 40 % du trafic britannique de conteneurs, se sont mis en grève le dimanche 21 août pendant huit jours pour réclamer « une augmentation de salaire appropriée » et non les 7 % proposés par la direction. En plus de ces mouvements, il existe des mouvements de la société civile tels que « Don’t Pay UK », qui menace de faire grève pour payer les factures d’énergie.
Lire aussi : Article destiné à nos abonnés Au Royaume-Uni, la vague de grèves salariales se durcit
La situation politique ne fait que renforcer l’impression d’un pays sans roues. Moins de deux mois après avoir été évincé de la direction du Parti conservateur, le Premier ministre de longue date Boris Johnson s’occupe à peine des affaires courantes. La charge de désigner son successeur, dont le nom sera annoncé le 5 septembre, incombe étrangement aux 200 000 députés conservateurs, qui, plutôt âgés, riches et très conservateurs, ne représentent pas du tout la population. Les deux candidats en lice pour les votes – la favorite des sondages Liz Truss et l’ancien chancelier de l’Échiquier Rishi Sunak – s’affrontent sur des promesses de réductions d’impôts et sur le respect de l’image de Margaret Thatcher de l’ultralibéralisme des années 1980.
En promettant des coupes claires dans les budgets sociaux, en arguant, comme Mme Truss, que les Britanniques doivent “travailler plus dur”, sans proposer de solution aux faiblesses de l’économie britannique – formation et infrastructures insuffisantes faute d’investissements publics adéquats -, ils sont ne fait que souffler au cœur d’un mécontentement auquel l’opposition travailliste peine à offrir un exutoire politique crédible.
Lire aussi : L’article est pour nos abonnés Au Royaume-Uni, en grève sans aucun soutien politique
La primauté donnée à l’idéologie sur le pragmatisme – vertu supposée britannique – qui a déjà conduit au désastre du Brexit, risque de prolonger voire d’aggraver la situation déjà dégradée laissée par Johnson, dont les mensonges ont renforcé le divorce de l’opinion et de la politique. La crise économique et l’instabilité pourraient accroître la tentation d’utiliser une rhétorique anti-européenne et nationaliste. A l’heure où les menaces s’accumulent à travers l’Europe, soulignant la nécessité d’une plus grande solidarité, la crise au Royaume-Uni sonne comme un avertissement à tous ses voisins.
Le monde