Posté à 12h56
                Léa Carrier La Presse             

Pendant un mois, les habitants de Butsa, au nord-ouest de la capitale, ont vécu sous l’envahisseur russe, privés de toute assistance. Désormais libérés, ils commencent à assister à l’horreur qui s’y est déroulée. Un journaliste de l’agence de presse française a déclaré avoir dénombré une vingtaine de corps – habillés en civil – dont un les mains liées dans le dos, d’autres allongés sur le trottoir, devant une gare ou dans la cour d’une maison. “Tous ces gens ont été abattus, tués d’une balle dans la nuque”, a déclaré à l’AFP le maire de Bhutto, Anatoly Fedoruk. Dans le Guardian, une habitante raconte qu’elle a perdu son mari dans un incendie en Russie alors qu’ils tentaient tous les deux de quitter la ville. J’ai senti quelque chose frapper mon épaule droite, une balle. J’ai poussé mon mari hors de la voiture. Mais il ne bougea pas. J’ai réalisé qu’il était mort. J’ai ouvert ma porte et j’ai couru. Halyna Tovkatch, résidente de Butsa Une vidéo, largement diffusée sur les réseaux sociaux, montre des véhicules traversant une ville transformée en cimetière à ciel ouvert, évitant les cadavres dans la rue. La Presse n’a pu confirmer l’authenticité de la vidéo.

Retrait stratégique

Dans un retrait annoncé, les dernières troupes russes ont quitté samedi la partie nord du pays, ont confirmé les forces ukrainiennes, qui occupent depuis douze villes, détruites par les combats. Une stratégie du Kremlin pour redéployer ses forces à l’est et au sud du pays après une forte résistance dans la capitale, a expliqué Anesa Kimball, professeure agrégée de relations internationales à l’Université Laval. “La guerre dure depuis plus d’un mois. La Russie devrait se demander : « Voulons-nous investir plus de ressources pour obtenir Kiev, alors que nous pouvons obtenir d’autres villes stratégiquement plus importantes ? “”, elle dit. Avant de battre en retraite, les forces russes ont fait des ravages derrière elles. A Butsa, près de 300 personnes ont été enterrées dans des fosses communes, a indiqué à l’AFP son maire, Anatoly Fedoruk. Les trois cimetières de la municipalité sont à portée de tir des soldats russes, a-t-il dit. Parmi les disparus figurent “des hommes et des femmes de tous âges”, poursuit-il. “Il y a toujours des voitures dans les rues avec des familles entières tuées : des enfants, des femmes, des grands-mères, des hommes”, a-t-il dit. Autant de pertes qui nous rappellent que la guerre – et cette guerre en particulier – n’est pas civilisée, déplore Ekaterina Piskunova, professeure de science politique à l’Université de Montréal. Je ne pense pas que ce seront les dernières photos [de morts civiles]. C’est absolument horrible, et c’est pourquoi nous devons mettre toute la pression que nous pouvons mettre sur les parties concernées pour y mettre fin. Ekaterina Piskunova, professeure de science politique à l’Université de Montréal Les forces ukrainiennes sont entrées à Bukha il y a un jour ou deux, où l’accès était auparavant impossible. L’opération de secours a débuté samedi avec une première livraison de produits de première nécessité. L’inhumation des morts aura lieu plus tard. Les habitants de Buca sont “toujours très effrayés, toujours choqués”, a déclaré à l’AFP Yuri Biryukov, membre de l’équipe ukrainienne de volontaires pour la défense du territoire.

La zone “libérée” de Kiev

Les villes d’Irpin, Boutcha, Hostomel et toute la région de Kiev ont été “libérées de l’envahisseur”, a déclaré le vice-ministre de la Défense Ganna Maliar. Dans un discours vidéo samedi soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé que le “retrait rapide” des forces russes du nord du pays signifiait qu’elles voulaient “occuper à la fois le Donbass et le sud de l’Ukraine”. Selon le chef de l’administration militaire de la région de Donetsk, Pavel Kirilenko, l’armée russe a de nouveau bombardé la région de Donetsk dans le Donbass la nuit avec des bombes au phosphore à certains endroits. Deux enfants sont morts après des grèves dans la région voisine de Louhansk, selon les services d’urgence. Les forces russes, “après l’échec des opérations d’occupation de Kiev et d’autres grandes villes ukrainiennes en mars”, “cherchent à occuper l’intégralité des territoires de Lougansk et de Donetsk”, indique l’Institut d’étude de la guerre. Aux premières heures de dimanche, une série d’explosions ont été entendues à Odessa, une ville côtière de la mer Noire vitale pour l’économie du pays, qui se préparait depuis plusieurs semaines à un attentat. Un journaliste de l’AFP a relevé trois colonnes de fumée noire et de flammes visibles, apparemment au-dessus d’une zone industrielle. Samedi, sept corridors humanitaires étaient prévus dans l’est et le sud-est de l’Ukraine, selon la vice-première ministre Iryna Vereshchuk. La veille, plus de 3 000 personnes avaient fui la région de Marioupol, épicentre des combats, en bus et en voiture privée, ont indiqué les autorités ukrainiennes. « Les couloirs humanitaires fonctionnaient dans trois zones : Donetsk, Lougansk et Zaporijia. “Nous avons réussi à sauver 6.266 personnes, dont 3.071 de Marioupol”, a déclaré Volodymyr Zelensky de vendredi soir à samedi.

Rencontre Poutine-Zelensky ?

Progrès possibles dans les négociations : Moscou a “oralement” accepté les principales propositions ukrainiennes, à l’exception de celle concernant la Crimée, a indiqué le négociateur en chef ukrainien dans les pourparlers de paix avec la Russie, David Arahamia. Kiev attend maintenant une confirmation écrite. Passant à l’émission télévisée, M. Arahamia a laissé entendre que les négociations entre les deux pays avaient considérablement progressé et que la Russie se serait déclarée prête pour une rencontre entre le président russe Vladimir Poutine et son homologue Volodymyr Zelensky. Il s’agirait du premier face-à-face entre les deux présidents depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine, malgré les invitations répétées de Kiev. L’experte Ekaterina Piskunova voit une certaine “fatigue” du côté russe. “Six semaines de guerre, de sanctions, c’est difficile pour la Russie. “Ils peuvent stimuler cette négociation.” Ce glissement de Vladimir Poutine vers son homologue ukrainien est un “progrès”, en théorie, estime Anessa Kimball. Mais en pratique, Moscou conserve son objectif initial : capituler l’Ukraine. Avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press