Posté à 19h12
Emmanuel PEUCHOT Agence France-Presse
Un campement invisible depuis la route longue et étroite dans la forêt, près du village de Buda-Babynetska, situé à près de 40 km au nord-ouest de Kiev. Presque invisible du ciel, grâce aux épais cônes au sommet des pins. Le camp de fortune couvre une superficie équivalente à environ deux terrains de football, ont découvert des journalistes de l’AFP. “Il y avait environ 1 000 personnes garées là-bas”, selon Ferrari, un responsable de la Garde nationale ukrainienne dans la région, qui porte le pseudonyme. “Ils sont arrivés en traversant la frontière en direction de Tchernobyl”, a-t-il déclaré à l’AFP, sans pouvoir donner de date précise d’arrivée ou de départ des soldats. Contrairement à certaines villes de la région, régulièrement pilonnées et détruites par la violence des combats, dans cette forêt où vivaient des soldats russes, il n’y a aucun signe de destruction par des bombardements aériens ou de l’artillerie. Le camp s’est échappé. Photo de RONALDO SCHEMITT, Agence France-Presse Le vétéran américain Steven Straub pose pour une photo à côté d’une armée ukrainienne patrouillant sur une route près de Vuda-Babinecka. “L’armée ukrainienne a principalement frappé les endroits où il y avait des dépôts de munitions. Dans cet endroit, il n’y avait que du personnel. “Ce n’est pas bien de la part de l’armée ukrainienne de bombarder s’il n’y a que du personnel”, a déclaré Ferrari. Seules traces de violence, une camionnette blanche et une Lada rouge, criblées de balles, avec des traces de sang sur une portière ou un siège, laissées sur le bord de la route à l’orée du bois. Leurs occupants, des civils, ont été tués au volant. Les corps ont été récemment enlevés. Photo de RONALDO SCHEMITT, Agence France-Presse Un membre de l’armée ukrainienne regarde à l’intérieur d’une voiture avec des trous de balle dans le pare-brise sur une route près de Buda-Babynetska. Dans la forêt, les troupes moscovites devaient stationner plusieurs semaines. Les abris, de différentes tailles, profondeurs ou arrières, ont été construits avec patience et solidité. Le sol, mélange de terre molle et de sable, était facile à creuser pour enterrer les abris, à hauteur d’homme debout pour les plus profonds, et d’au moins un mètre cinquante pour les plus basiques. Photo de RONALDO SCHEMITT, Agence France-Presse Une tranchée Les pins étaient coupés, sciés, pour en faire des rondins qu’ils utilisaient comme toits ou murs d’abris. Autre matériel à portée de main : des centaines de boîtes vides de fusées Grad en bois, avec leurs longues planches d’environ deux mètres, très pratiques pour se protéger du vent ou de la pluie.
Chapeaux, régime et masque à gaz
De nombreux abris sont recouverts de branches de pin. Les reporters de l’AFP ont pu dénombrer plus d’une centaine d’abris de toutes tailles, disséminés dans la forêt, plus ou moins proches les uns des autres. Du plus simple, probablement occupé par des surveillants et pouvant accueillir au moins deux hommes, au plus grand, certainement ceux des commandants des troupes, qui pouvait compter au moins une dizaine de postes. Des toilettes ont également été fabriquées, fermées par une couverture ou un long tissu et reconnaissables à leur toit triangulaire, à partir de planches sans les os de boîtes de fusées. Les troupes de Moscou se sont retirées de la région de Kiev dans les derniers jours de mars. Les résidents du camp forestier ont également dû partir à ce moment-là. “Nous les avons vus patrouiller pour que personne ne puisse s’approcher”, a déclaré à l’AFP Bohdan, 15 ans. Il habite à 3 km. “On s’est approchés, on les a cherchés et quand on les a vus marcher, on est partis sans être vus”, raconte l’adolescent. Photo de RONALDO SCHEMITT, Agence France-Presse Le vétéran américain Steven Straub passe devant un véhicule blindé russe alors qu’ils patrouillent sur une route près de Buda-Babinetska. “Tous les cinq jours environ, nous venions voir s’il était toujours là […]. “Et la dernière fois que nous sommes venus ici, c’était avant-hier (dimanche) et il n’était plus là”, a-t-il déclaré. Il est venu avec un ami pour récupérer ce qu’il pouvait être. Dispersés partout ou dans les abris, les Russes ont laissé des cartons vides de diètes, des emballages alimentaires, des bouteilles en plastique, des chaussures hautes fourrées, des chaussettes, des gants, un pull, une chemise, une ceinture… Très souvent, les emballages alimentaires étaient regroupés dans des trous rectangulaires peu profonds. Bœuf, katcha à la viande ou riz et viande : des plateaux individuels à partir des portions affichent les menus du jour de l’armée. Plus rarement, certaines capes kaki ou noires, avec une marque en forme d’étoile sur l’aile avant, ont été abandonnées au sol ou dans des abris. Egalement abandonnés, les masques à gaz, souvent cassés. A un coin du camp, sur une piste, un seul véhicule militaire – un véhicule de transport de troupes avec un canon anti-aérien – est resté là, avec plusieurs de ses six roues crevées. Photo de RONALDO SCHEMITT, Agence France-Presse Un véhicule blindé endommagé Près d’un abri, au sol, un livre en russe, dont le vent tourne les pages trempées de pluie : “48 heures pour mourir”, de l’Autrichien Andreas Gruber. Sous le titre de la pochette, une phrase : “Plus un criminel essaie de brouiller les pistes, plus il laisse de preuves”.