C’est sans doute le “caillou dans la chaussure” du candidat à la présidentielle en fin de campagne présidentielle, dans laquelle il se bat pour sa réélection. Et pour limiter les dégâts, Emmanuel Macron a intérêt à désamorcer la bombe avant qu’elle ne lui explose au visage. Car le problème est grave. Cet après-midi à 19 heures, les ministres Amélie de Montchalin et Olivier Dussopt (ministres de la Transformation et des Comptes publics) tenteront d’éteindre le feu lors d’une conférence de presse au ministère de l’Économie à Paris. Jeudi 17 mars, un rapport d’un sénateur a alerté sur le poids des cabinets de conseil dans le mandat actuel. Face à un déferlement de réactions, le président a cherché à se justifier en mettant fin à la polémique dimanche 27 mars sur France 3, conseillant notamment “à toute personne ayant des preuves de manipulation” d’engager des poursuites “au pénal”.

1 – McKinsey : qu’est-ce que c’est ?

C’est le nom d’une société de conseil internationale présente dans 65 pays à travers le monde et comptant environ 30 000 employés. Surnommée « La Firme », cette société américaine a pour vocation de conseiller et de conseiller les acteurs privés et publics sur des sujets très variés, au même titre que des entreprises comme KPMG ou Capgemini.

2 – Quels sont les problèmes identifiés par le rapport du Sénat ?

La première inquiétude qui ressort de ce rapport sénatorial, rendu public le 17 mars et mis à la disposition du public, concerne la position des cabinets de conseil dans l’élaboration des politiques publiques. Ainsi, les sénateurs expliquent que “le recours à des consultants est aujourd’hui un réflexe”, ces entreprises sont pour les sages “au centre des politiques publiques”. A tel point que les députés provoquent un état de “dépendance” de l’Etat vis-à-vis de ces cabinets. Dans leur rapport, les sénateurs pointent également l’explosion des dépenses communales dans les différents ministères. En 2021, le gouvernement Castex a ainsi dépensé la somme de 893,9 millions d’euros contre 379,1 millions en 2018, soit plus du double. Enfin, le dernier élément mis en avant dans le rapport concerne la fiscalité, les députés sont même allés jusqu’à parler d’”exemple caricatural d’optimisation fiscale” : “Le constat est clair : McKinsey est bien soumis à l’impôt sur les sociétés en France, mais ses versements sont zéro euro depuis au moins dix ans, alors que son chiffre d’affaires sur le territoire national a atteint 329 millions d’euros en 2020, dont environ 5 % dans le secteur public et qui « y emploie environ 600 personnes ». Le Canard Enchaîné va plus loin ce mercredi 30 mars, en publiant un article dénonçant la “myopie fiscale” par rapport à cette entreprise. Selon nos confrères, les “royalties très élevées versées par McKinsey France à la maison mère” auraient dû alerter la direction générale des finances publiques (DGFiP). Ces frais, également appelés “taux de transfert”, sont en principe “strictement contrôlés par la DGFiP”. Mais ici, ni “accord préalable de la DGFiP” ni “document de synthèse de quatre pages” expliquant comment l’entreprise fait ses calculs, pourtant exigés. D’autant plus que la maison mère, située au Delawere, est considérée par l’OCDE et l’article 238-A de notre code général des impôts comme bénéficiant d’un “régime fiscal préférentiel” spécifiquement destiné à attirer l’attention des Français. Nos confrères identifient “chaque entreprise qui transporte de l’argent”. “dans ces parties doit “prouver que son opération n’est ni contre nature ni excessive” et qu’à défaut, “est passible de retenue à la source en France de 33%”. Rien de tout cela n’a été fait.

3 – À quel type d’emplois McKinsey a-t-il été appelé ?

Les dossiers sur lesquels le gouvernement a appelé McKinsey sont extrêmement variés. Cela va de la réforme du mode de calcul des APL (3,88 M€) à la gestion de la campagne de vaccination Covid (12,33 M€) en passant par l’organisation d’un colloque international commandité par l’Éducation nationale (496 800 €), qui a finalement été annulé en raison à Covid. Un rapport a également été préparé pour préparer la réforme des retraites, pour 950 000 euros, alors que celle-ci a été repoussée. Des contrats qui suscitent donc des interrogations sur leur pertinence et leur utilité parfois discutable, notamment de la part de l’opposition politique au gouvernement, qui s’est montrée peu aimable après ces révélations.

4 – La classe politique réclame des explications

Pour l’opposition, cette affaire est l’occasion de remettre en cause l’histoire d’Emmanuel Macron, au cœur de l’actualité monopolisée par la guerre en Ukraine. Les candidats à la présidentielle n’ont pas hésité à le faire. A commencer par Yannick Jadot, qui a promis, lors de son meeting au Zénith de Paris dimanche, de ne pas se tourner vers ces entreprises “qui, à coups de centaines de millions d’euros par an, ont pensé, sur ordre des gouvernements, à la suppression des lits d’hôpitaux”, la réduction de l’APL et d’autres réformes brutales ». Valérie Pécresse a pour sa part demandé à Emmanuel Macron “d’expliquer le recours massif de l’Etat à McKinsey”. Jean-Luc Mélenchon a pour sa part déclaré lors d’un meeting à Marseille : “Cela suffit pour que des entreprises privées comme McKinsey donnent des conseils inutiles et ne paient pas d’impôts en France.” Enfin, Marine Le Pen a dit ce petit mot sur le Président, s’adressant à ses militants : “Avec Emanuel Macron, McKinsey, qui vous a coûté 1 milliard d’euros l’an dernier pour des missions très floues, va continuer à consommer l’argent public pour ne pas payer d’impôts et permettre s’allonger devant le Sénat !”

5 – McKinsey Défense

A lui seul, le gouvernement est plus impliqué que le cabinet de conseil, mais face au tollé provoqué par la publication de ce rapport comparatif, McKinsey a insisté sur le fait qu’il avait respecté “toutes les règles fiscales et de sécurité sociale françaises en vigueur”. La société ajoute qu’elle a acquitté l’impôt sur les sociétés “durant les années où la société a réalisé des bénéfices en France”. Cependant, malgré la réglementation fiscale établie, le Sénat reste dans le doute sur l’exactitude de ces déclarations et a annoncé, vendredi 25 mars, avoir saisi la justice pour “soupçon de faux témoignage”. La chambre haute du Parlement émet des doutes sur les déclarations du patron de la filiale française de McKinsey, interrogé il y a trois mois par des sénateurs. Il s’était alors assuré que la société payait l’impôt sur les sociétés en France.

6 – La stratégie de défense d’Emanuel Macron

Contraint de réagir après 10 jours de troubles politiques et médiatiques, le président de la République s’est exprimé dimanche 27 mars sur France 3. Après Olivier Véran, qui a assuré au Sénat qu’”à aucun moment McKinsey ne se prononcera sur la crise sanitaire ou la campagne de vaccination “, a déclaré Bruno Lemerre. Emanuel Macron a de son côté choisi la solution offensive, appelant ses accusatrices à régler l’affaire devant la justice : “On a l’impression qu’il y a des trucages, mais ils sont faux. Aucun contrat n’a été signé dans la République sans suivre sa règle”. . marchés publics Que quiconque dispose d’éléments prouvant qu’il y a manipulation remet en cause pénalement le contrat ». Et le candidat finit par déraper, utilisant le mot « moins » au lieu de « plus » : « Je ne suis pas convaincu que dans ce quinquennat il y ait eu moins de contrats que certains autres, y compris ceux qui nous attaquent aujourd’hui. “