“On a l’impression d’être dans un sous-sol”, mais cette pièce particulièrement sombre se trouve en réalité au rez-de-chaussée de l’hôpital, a expliqué le photographe à franceinfo. Deux imposantes fenêtres sont presque entièrement calfeutrées avec une cinquantaine de sacs de sable et de carton. La lumière du jour peine à traverser la pièce. Ces sacs de sable, ces cartons, visent à protéger quatre jeunes patients “Des attentats possibles” et des balles qui peuvent facilement passer à travers une fenêtre.

Milena, 13 ans, est plongée dans un coma artificiel à l’hôpital pédiatrique de Zaporijia (Ukraine) le 19 mars 2022, après avoir reçu une balle dans la mâchoire en quittant Marioupol. (WILLIAM KEO / MAGNUM PHOTOS) L’hôpital a pour l’instant échappé, mais “les menaces de bombardement pèsent sur tout le pays”, rappelle William Keo, qui continue de couvrir l’invasion russe de l’Ukraine. “Il y a eu des bombardements près de Zaporijia. Ils vivent sous tension.” En entrant dans cette pièce “extrêmement calme”, ​​où l’ambiance était “lourde”, le photographe pense au cliché qui traduira ce qu’il observe. “Comment ne pas entrer dans un espace très familier”, celui du patient ? Il décide alors de laisser une large part, dans l’image, à ces sacs de sable représentant l’alerte à la bombe. “Nous avons été impressionnés quand nous avons vu qu’ils devaient en venir là”, décrit-il. “Les hôpitaux protègent, c’est une violence symbolique très forte.” William Keo, photographe chez franceinfo Selon l’Organisation mondiale de la santé, il n’y a jamais eu autant d’attaques contre le système de santé qu’il y en a actuellement en Ukraine. Le Service de santé des Nations unies a recensé (lien en anglais) 64 « attaques contre le système de santé en 25 jours » de guerre dans le pays, « faisant 15 morts et 37 blessés ». “C’est entre deux et trois attaques par jour.” Derrière cet amas de sacs de sable dans la chambre d’hôpital, Milena, 13 ans, est “plongée dans un coma artificiel”, a déclaré le journaliste de Libération Pierre Alonso. “Une balle dans la mâchoire qui n’est pas sortie. Milena a survécu malgré l’hémorragie”, écrit-il. Selon les témoignages recueillis par le journaliste et William Keo, l’adolescent a été blessé alors qu’il tentait de quitter Marioupol. “Les forces russes ont réalisé qu’elles avaient blessé des civils. Les soldats l’ont emmenée à l’hôpital le plus proche”, a-t-elle déclaré aux journalistes français avant d’être transportée à Zaporijia. Le 19 mars, la salle a accueilli trois autres jeunes victimes de la guerre. “Le son des instruments médicaux étouffait nos voix. Les médecins chuchotaient pour que les enfants ne se réveillent pas”, se souvient William Keo. Artem, 2 ans, “dormait dans un fauteuil roulant”, a été blessé par des éclats à la tête et au ventre. Massa, 15 ans, « venait d’être mutilée ». Dans son village, “lLes bombardements étaient loin, puis se rapprochaient de plus en plus“L’adolescente a raconté à Libération. Elle se trouvait à proximité d’une école maternelle et d’un centre médical lorsqu’elle a été touchée par une grève. Une autre jeune fille venait d’arriver à l’hôpital, blessée à la tête par des éclats d’obus. “Elle était terrifiée à l’idée de se faire couper les cheveux pour une radiographie”, a déclaré William Keo. “Elle criait très fort. L’état de stress extrême lui a donné cette réaction. Tout lui faisait absolument peur, ça nous a beaucoup marqués.” William Keo, photographe chez franceinfo A l’intérieur de l’hôpital, les histoires de ces jeunes patients ont frappé le photographe ainsi que les dizaines de sacs de sable destinés à les protéger. Ces rescapés de Marioupol, écrit son collègue Pierre Alonso, sont profondément blessés. Une semaine après le reportage de Pierre Alonso et William Keo, une équipe de CNN est allée à la rencontre de Milena, sortie d’un coma artificiel. Le reportage montre que le jeune Ukrainien, entraîneur stagiaire avant l’attaque russe, ne peut toujours pas marcher. CNN/@IvanCNN nous informe sur Milena et sa mère : pic.twitter.com/L0NQBhOkxu — Pierre Alonso (@pierre_alonso) 26 mars 2022 Basé à Marioupol, l’hôpital pour enfants “extrêmement bien organisé” de Zaporijia “se prépare à l’arrivée de nombreux enfants”, prévient William Keo. Une expression pour déterminer la situation dans le port assiégé revenait souvent dans les mots des rescapés : “absolument effrayant”. Des histoires sur “des bombes qui pleuvent constamment”, “tant de corps dans les rues”, sur le manque total d’espace sûr. “Chaque bâtiment politique [de Marioupol] frappé au moins une fois, décrit le photographe. “Le mot ‘enfer’ apparaissait souvent dans les témoignages.”