franceinfo : L’électorat n’a-t-il jamais été aussi instable ? Gilles Finchelstein : L’électorat est très instable, c’est-à-dire que la mobilité électorale, les électeurs susceptibles de changer d’avis pendant la campagne, est absolument importante. Au cours des deux derniers mois, plus de la moitié des Français ont changé d’avis au moins une fois : soit en passant d’un candidat à l’autre, soit en décidant de voter puis en s’abstenant. La participation est l’une des grandes inconnues de cette élection, à moins de 13 jours du premier tour. Aujourd’hui, quand on demande aux Français qui sont sûrs de voter, ce ne sont que les deux tiers d’entre eux, alors que normalement, une campagne présidentielle demande 80 % de participation. Le fait que nous soyons en crise, entre le Covid, le pouvoir d’achat et l’Ukraine, pousse-t-il moins les Français à voter ? Je ne sais pas s’il y a un lien. Quand on demande aux Français pourquoi ils ne veulent pas aller aux urnes, on trouve un sentiment d’inutilité en politique, de méfiance et d’éloignement de la politique. La situation en Ukraine est signalée, ainsi que la faiblesse des propositions. Il y a un troisième phénomène qui est sans doute propre à cette élection, c’est le sentiment que les jetons sont tombés, qu’il n’y a pas de suspense, qu’Emmanuel Macron va être réélu. C’est ce que pensent plus de 70% des Français. C’est évidemment un facteur de démobilisation possible. Est-ce lié au sentiment que les candidats ne s’adressent pas aux électeurs, du moins dans la classe ouvrière ? L’électorat le plus important est le plus modeste. Bien sûr, les candidats devaient leur parler et s’ils voulaient se peser, ils devaient se rendre aux urnes. Après tout, vous avez aujourd’hui les deux tiers des Français qui se disent sûrs d’aller voter, il y en aura peut-être plus le soir du premier tour. On est en dessous de la participation normale des électeurs pour l’élection présidentielle, il faut dire que le cadre n’est pas normal, mais on est quand même bien au dessus de toutes les élections de 2017. “Des élections législatives de 2017 jusqu’aux dernières élections régionales, il n’y a pas eu d’élections pour lesquelles la moitié des Français se sont mobilisés.” Gilles Finchelstein chez franceinfo Le 21 avril 2022, il y a eu 28 % d’abstention au premier tour de l’élection présidentielle : est-il possible que ce record soit battu ? Pas encore sûr, mais ça pourrait l’être. Tout cela dépendra d’une chose assez simple : les Français auront-ils le sentiment qu’il y a un enjeu ? Voter, même à l’élection présidentielle, pour certains Français n’est plus automatique. Pour bouger, il faut que quelque chose soit en jeu. Cet enjeu peut être électoral, la question de savoir qui sera en finale. Le résultat des élections lui-même semble-t-il important ? Y a-t-il des problèmes avec les choix qui doivent être faits? C’est la question qui sera posée dans les 13 prochains jours.