La question lui a clairement été posée : « Est-il possible que vous ayez oublié de soulever l’arrière de votre camion benne ? Pris dans un “trou noir” depuis six ans, Mathieu Saurel acquiesce. “C’est possible. Ce lundi 28 mars, premier jour de son procès pour homicide et blessures involontaires à La Rochelle, le conducteur du camion-benne Eiffage dont la queue a coupé un bus à Rochefort (Charente-Maritime) le 11 février 2016, a enfin dit ce Tous les experts ont dit : l’accident était le résultat d’une erreur humaine. Cette terrible négligence a coûté la vie à six adolescents et en a blessé deux autres. A la barre du tribunal correctionnel il pleure dès les premiers mots. Mathieu Saurel, 29 ans, en assume l’entière responsabilité. Les mains jointes devant lui, l’accusé tourne le dos à 42 civils qui veulent des réponses. Entre 15 et 18 ans, Florian Audet, Kevin Aulier, Axel Bianchetti, Tanguy Bouteille, Bastien Coupeau et Yoni Havy sont morts dans des conditions épouvantables. L’arrière du camion coupait littéralement le bus en deux à une hauteur d’environ 1,50 mètre, des “images de guerre” dira le conducteur du bus. D’une voix tremblante, Mathieu Saurel raconte ce matin qu’il promettait d’être dur. A 7 heures du matin sur le site Eiffage de Rochefort, il fait le plein et ouvre la porte du coffre, commandée par un système hydraulique pour embarquer du matériel. Il doit rejoindre l’usine d’enrobés de Soubise à une dizaine de kilomètres. Il ne parcourra que 675 mètres.
Concentré sur la route
“J’ai un problème de mémoire, je ne sais pas si je suis passé devant ou derrière le camion pour retourner dans la cabine”, a-t-il expliqué. Le fait est qu’il n’est pas en mesure de dire s’il a fait le tour de son vélo avant de démarrer. “J’ai toujours été très prudent”, promet-il. Ce matin de février, la lumière ne vient que de l’éclairage public, « côté passager. Le mur latéral était donc à l’ombre. Il ne peut pas confirmer qu’il a bien refermé cette plaque métallique de 450 kg. “Mais je le fais toujours, c’est automatique. Entre 07h08 et 07h10, il a croisé deux voitures. Les conducteurs signaleront que la porte du coffre à bagages était ouverte. Oui, mais depuis quand ? La brosse arrière effleure les toits des véhicules, les panneaux de signalisation, mais ne touche rien qui puisse alerter le conducteur. “Je ne peux pas certifier que j’ai vérifié les rétroviseurs. La couleur du mur latéral correspond à la route, il pleuvait, il faisait noir. Oui, je ne l’ai peut-être pas vue. » Mathieu Saurel a eu du mal à s’exprimer au volant, se noyant dans les larmes. Dessin public Alain Paillou / “Sud Ouest” Il était d’autant moins concentré dans ses rétroviseurs que l’avenue Victor-Louis-Bachelar où s’est produit l’accident est étroite. Mathieu Saurel regarde arriver le bus, longeant le trottoir autant qu’il peut. “J’ai ralenti. Mon miroir a heurté un panneau de vélo. Le chauffeur du bus n’avait plus de marge de manœuvre. Et puis ce terrible choc. Ce n’est qu’après s’être retrouvé sur une clôture à 30 mètres que Mathieu Saurel est sorti de son camion et s’en est rendu compte. “Le chauffeur du bus m’a dit que la porte de mon coffre à bagages était ouverte. “J’ai compris ce que j’avais fait”, crie-t-il.
Une ouverture “incroyable” intempestive
Les deux experts entendus hier sont catégoriques : “Le panneau latéral n’a pas pu être ouvert de manière inopinée. S’il y avait un problème avec les rouleaux, il tomberait à 180° et non à 90°. Le camion benne a été contrôlé. Avec plus de 300 000 kilomètres, son état général est “modéré” mais “ce n’est pas ce qui a causé l’accident”. Les freins fonctionnent bien, tout comme le système hydraulique. “Pour ouvrir le hayon pendant la conduite, le conducteur devrait débrayer et activer la commande. C’est incroyable. Selon eux, “sans aucun doute, “le camion est parti avec l’arrière ouvert du chantier Eiffage”. Le 11 février 2016, le bus avait fait un parcours inhabituel. Le pont commercial du port était fermé, un détour menait à l’avenue Victor-Louis-Bachelar et un terrible destin.