Macron, candidat de droite ? Cette étiquette n’est pas sans être une vraie difficulté pour les macronistes. “Emanuel Macron court derrière l’électorat de gauche qui aurait pu lui faire défaut au second tour”, rappelle le politologue Bruno Katres. Le président sortant ne s’y est pas trompé lorsqu’il a appelé, lors du meeting de samedi à La Défense Arena à Nanterre (Hauts-de-Seine), à ”tout ce qui va de la social-démocratie à la paresse, y compris les écologistes” à le rejoindre. C’est aussi lors de ce rassemblement conçu comme une démonstration de force qu’Emanuel Macron a volé une formule historique à la gauche, provoquant une avalanche de commentaires. Evoquant le scandale des Ehpad Orpea qui “ne devrait plus jamais exister”, le président a lancé devant ses 30 000 sympathisants : “Nos vies, leurs vies valent plus que tous les bénéfices”. Une référence claire au slogan NPA de Philippe Poutou. Le candidat d’extrême gauche a aussitôt critiqué le chef de l’Etat pour plagiat dans son parti. Pendant que ses riches amis volent l’argent public, Macron vole nos slogans. Bien sûr, ces gens osent tout faire, même comment nous les reconnaissons. — Philippe Poutou (@PhilippePoutou) 2 avril 2022 Ce n’était pas le seul clin d’œil à la gauche. La figure de François Mitterrand a également été sollicitée par son célèbre slogan électoral de 1981, “le pouvoir tranquille”, pour provoquer un thème favori à gauche : l’égalité. “Face à un monde fou (…) où les milliards vont encore bien souvent dans les milliards et la misère trop souvent dans la misère, il n’y a rien de plus puissant que le goût de l’égalité”, a lancé Emmanuel Macron. “Contre ceux qui essaient de semer le poison de la division, de fragmenter, de briser les gens, il n’y a rien de plus puissant que le pouvoir tranquille de la fraternité.” Emmanuel Macron lors de son meeting à La Défense Arena Le chef de l’Etat n’a pas fait que du symbolisme et des références historiques. Les sujets abordés, que ce soit dans son meeting ou dans une interview à France Inter lundi, à travers les propositions de son émission, penchent davantage vers la gauche. Allocation salariale à partir de cet été jusqu’à 6 000 euros, pension minimum pour les retraités à 1 100 euros mais aussi mesures pour les mères célibataires et priorité à la santé et à l’éducation. Emmanuel Macron assume le rôle de protecteur, assurant qu’il ne « résoudra jamais » les injustices. De quoi restituer la pêche sur l’aile gauche du macron, un peu audible et à peine visible lors de la quintessence. “Cela nous va très bien dans les Territoires de Progrès, bien sûr nous avons la force de nos valeurs qui sont le progrès et la solidarité”, a déclaré la ministre Emmanuelle Wargon. “Il y avait une volonté de donner un ton social et progressiste à ce discours.” Emmanuelle Wargon, ministre du Logement chez franceinfo D’autres membres de la majorité récusent l’idée d’un virage à gauche, voyant dans cette simple confirmation du dépassement des clivages prônés par Emmanuel Macron. “C’est la description d’un programme qui tient debout sur ses deux pieds”, a déclaré un ministre des Affaires étrangères. “Il a fait ‘simultanément’ un équilibre à hauteur d’homme, avec des propositions pour la santé, l’éducation, l’emploi”, se félicite le sénateur François Patria. “L’enjeu est de montrer l’équilibre global du programme et la volonté soutenue de dépasser les clivages !” soutient le député Roland Lescure. Le ton des récentes déclarations du candidat à la présidentielle donne cependant l’impression d’actualiser la campagne. “Si vous vouliez entendre un discours de la gauche, c’était hier après-midi”, a déclaré Xavier Bertrand à propos de la rencontre d’Emmanuel Macron lors d’un rassemblement pour Valérie Pécresse dimanche. Ainsi, le chef de l’Etat a apporté des corrections sur deux points clivants de son programme : la réforme du RSA et la retraite à 65 ans. Emanuel Macron avait annoncé lors de la présentation de son programme, une réforme du RSA avec “un meilleur équilibre des droits et obligations” et “l’obligation de consacrer 15 à 20 heures par semaine” à une activité qui facilite l’insertion professionnelle. Mais il a tenu à clarifier les choses lors de sa rencontre. “Ce n’est pas, comme certains l’ont soutenu, un projet d’intérêt général”, a précisé le candidat avec une volonté de pédagogie. “Il s’agit simplement d’approcher et d’offrir à tous les allocataires du RSA des perspectives, de l’espoir…” Emmanuel Macron lors de son meeting à La Défense Arena Selon les macronistes, c’est l’accueil de l’opinion publique pour le programme d’Emmanuel Macron qui allait donner un ton juste au début de la campagne. “Il a eu l’impression d’une caricature quand il a vu qu’une partie de ses propositions était acceptée, alors que son travail est plus équilibré”, a avoué un membre du gouvernement. « Par exemple, on a oublié de dire qu’avec la réforme du RSA, il y avait aussi l’efficacité à la source de toutes les aides sociales », ajoute François Patriat. Concernant les retraites, Emanuel Macron continue de défendre le report de l’âge légal à 65 ans, mais insiste aussi sur les contreparties. “Aujourd’hui, les petites pensions vivent mal. “… Je veux pour les cinq prochaines années construire la retraite minimum, pour une retraite à taux plein, à 1.100 euros, c’est une cotisation”, a-t-il dit. sur France Inter. Certains dans la majorité tentent même de faire passer le report de l’âge légal comme une avancée sociale. “La retraite à 65 ans n’est pas une mesure de droite. Il s’agit d’assurer le modèle social avec la répartition dans le temps, estime un ministre des affaires étrangères. Avec la retraite des 60 ans de Marin Le Pen, le montant des pensions ne sera pas garanti et seuls ceux qui pourront se permettre un complément en sortiront. Dans le même ordre d’idées, Emanuel Macron a tenu à applaudir les enseignants lors de son meeting, tout en laissant de côté le discours sur les contreparties. A France Inter, il n’a cependant pas éludé la question, rappelant qu’il souhaitait changer les choses, car le système actuel “fonctionne probablement de manière très monolithique”. Il a toutefois insisté sur le rôle du personnel enseignant : “Nos enseignants sont ceux qui font notre République. (…) Nous avons besoin d’eux et ils sont indispensables.” Toutes ces barbes envoyées en direction de son aile gauche sont-elles liées au resserrement des courbes dans les sondages ? Si le chef de l’Etat jouit toujours d’une avance qui, selon les enquêtes d’opinion, semble lui garantir une place au second tour, l’écart avec Marin Lepen se resserre. Passant à l’électorat de gauche, Emanuel Macron se prépare aussi à un éventuel second tour face au président de la Coalition nationale. Mais l’efficacité de cette stratégie reste à démontrer. “Dans une circonscription de gauche qui juge nécessaire de lutter contre l’injustice, Emmanuel Macron est-il crédible ? N’est-il pas certain que cela lui rapportera autant d’électeurs de gauche”, s’interroge Bruno Cautrès….) d’autant plus l’aspect de la tactique électorale apparaît.