Le fiasco était attendu depuis plusieurs mois. “Ce sera un choc, mais contrairement à Valérie Pécresse et aux Républicains, Anne Hidalgo est tout à fait prête à atteindre les 3%”, a glapit un responsable du Parti socialiste. “Si elle avait commencé sa campagne avec 2% dans les sondages, on pourrait dire qu’elle a eu du mal à exister. Elle commence à 10% et finit à 2%”, estime un député socialiste. La voix de François Hollande, venu soutenir Anne Indalgo en meeting à Limoges mardi 22 mars, ne suffira sans doute pas non plus. “C’est la corde qui soutenait le pendu, il se moque d’un autre élu. Jusqu’à fin janvier, il essayait d’expliquer à Anne Hidalgo qu’il fallait la délier. Limoges était le point de rencontre. Des hypocrites.” Désormais, le Parti socialiste doit faire face à une série de questions, toutes plus difficiles les unes que les autres. Comment se reconstruire après un échec qui s’annonce douloureux ? Quelles idées défendre à l’approche des élections législatives ? La question la plus pressante est celle du score final d’Anne Hidalgo, dans la nuit du dimanche 10 avril. S’il dépasse 5 %, le coût de sa campagne électorale peut être remboursé, jusqu’à 8 millions d’euros. S’il ne passe pas cette barre, il ne se verra octroyer que 800 000 euros. Cet écart n’est pas anodin pour le Parti socialiste, l’argent comptant pour le moins qu’ils meurent de faim. En 2019, il a perdu 5 millions d’euros, avant un déficit de 3,7 millions d’euros en 2020. Début 2021, le PS a dû licencier 12 salariés soit environ un quart de l’effectif permanent. Aujourd’hui “il n’y a pas de dette significative, seulement 1,2 million d’euros”, analyse l’ancien député René Dosière, expert en finances publiques. “Nous ne sommes pas en panne, mais la situation est difficile.” René Dosière, ancien député du PS chez franceinfo En prévision d’un printemps électoral compliqué, le PS a tenté de quitter son siège d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Là-bas, près de Paris, les socialistes se sont installés en 2018 après la vente du siège historique de la rue de Solférino, dans le centre de la capitale. Un échange était prévu avec les locaux de la Fondation Jean-Jaurès, dans le 9e arrondissement. Le groupe de réflexion s’est retiré de ce croisement en raison d’un problème de zone inondable. PS restera donc à Ivry-sur-Seine, sans pouvoir compter sur la vente de ce bien. “On n’est pas obsédé par l’idée de bouger de poste, les salariés s’y sentent bien”, se défend l’administration. Cependant, ils connaîtront une période de fortes turbulences dans les semaines et les mois à venir. Car tout le monde au PS réfléchit aux conséquences d’une nouvelle exclusion au premier tour. “Il faut se projeter dans le remaniement de la gauche gouvernementale”, a confirmé Anne Indalgo à France 2 jeudi 24 mars, comme pour évacuer au plus vite son éventuelle cote à un chiffre pour se concentrer sur les conséquences. François Hollande n’est pas en reste. “C’est à nous d’être là, dès le 10 avril. C’est déjà demain qu’il faut chercher. J’assumerai complètement mon rôle. Je n’abandonnerai rien de ce que j’ai porté moi-même”, a-t-il lancé avant de s’adresser au candidat socialiste en Limoges. On doit à l’ancien président des ambitions pour les prochaines élections législatives, en Corrèze, son fief. Ses proches, qui ont scanné l’affaire il y a quelques mois, ne l’excluent plus aujourd’hui. Candidat ou non en juin, François Hollande a promis “l’initiative” après le vote. Lui, comme d’autres, envisage déjà de réorganiser le Parti socialiste, dont il a été le premier secrétaire de 1997 à 2008. Le projet s’annonce gigantesque. “Le PS ne manquera pas une conférence, tout doit changer”, a déclaré Bernard Jomier, sénateur et conseiller d’Anne Hidalgo. « C’est le rétablissement qui s’en vient. “Il faut repartir de zéro. Si c’est juste pour changer de visage, ça n’en vaut pas la peine.” Membre de l’équipe de campagne d’Anne Hidalgo chez franceinfo Le poste d’Olivier Faure, premier secrétaire depuis 2018, est clairement ciblé. “Son bilan est catastrophique”, a déclaré un élu porte-parole d’Ile-de-France. “Sa proposition de réélection était” De la Renaissance à l’Alternance “. “Aujourd’hui on va plutôt au cimetière.” Impliqué, le premier secrétaire attend des semaines difficiles. “Ceux qui veulent me bercer essaieront de me bercer”, dit-il. La réforme attendue du Parti socialiste ira-t-elle jusqu’à en changer le nom, le premier après la fin de la Section française de l’Internationale socialiste (SFIO) en 1969 ? “Il faut tourner la page du PS, la fête est finie”, a déclaré Bernard Jomier. “En l’absence de nom, les idées que nous appelons ‘sociaux-démocrates’ restent présentes”, insiste René Dosière. “Le changement de nom est le moment fort. Apple, quand ça a mal tourné, a d’abord changé de produit pour séduire à nouveau.” Un ténor du PS chez franceinfo La reconstruction sera en tout cas dans l’intérêt de ceux qui ont déjà rejoint Emmanuel Macron… et qui cherchent à attirer de jeunes socialistes frustrés. Déjà, les Territoires de progrès (TDP), le mouvement de gauche de l’actuelle majorité, observent avec impatience l’éclosion du PS. “S’il est en dessous de 5%, ce sera la plus grande catastrophe politique pour le PS sous la Ve République. Aujourd’hui, il y a une belle opportunité de continuer l’histoire de la social-démocratie mais avec Emmanuel Macron s’il est réélu.” espère Eduardo Rihan-Cypel, un ancien député PS qui soutient désormais le président sortant. Des hordes d’élus socialistes se transformeront-ils en macronésie ? “Il doit déjà y avoir un troupeau”, plaisante un ancien législateur. Et les députés socialistes veulent continuer à grossir en troupeau. Les 29 députés de l’équipe PS joueront leurs sièges à l’Assemblée nationale en juin prochain. Et la gifle attendue dans deux semaines complique leur tâche. “Nous n’avons pas d’argent pour une campagne”, craint un responsable. “Nous ne sommes pas condamnés à être moins”, a déclaré un autre. Beaucoup sur le terrain nous disent que nous avons été brûlés pour la présidentielle. “Par contre, ils voteront pour nous en juin pour qu’on ne laisse pas libre Emanuel Macron.” Alors que la campagne du chef de l’Etat se caractérise par des propositions libérales pour le RSA ou les retraites, “il faudra insister sur ces questions”, prédit Bernard Jomier. Le sénateur rappelle la proposition controversée de Nicolas Sarkozy de TVA sociale en 2012, responsable selon lui de la perte de “30 à 50 sièges à droite” lors des prochaines élections législatives. “La proposition d’Emanuel Macron pour le RSA pourrait être le social de la TVA”, veut-il croire. En attendant cette lueur incertaine avant l’été, le Parti socialiste veut boucler dignement le cortège présidentiel. Cependant, un dilemme pourrait se poser en vue du second tour. “Si c’est Jean-Luc Mélenchon qui favorise Emmanuel Macron, il y aura une explosion du PS, se réjouit un membre du gouvernement. Il doit enfin répondre à son bras de fer entre radicalisme et social-démocratie.” Le sénateur Patrick Mennucci a déjà confirmé dans les colonnes de Libération qu’elle voterait pour le président sortant, tandis que la porte-parole d’Anne Hidalgo, Dieynaba Diop, a déclaré à franceinfo que son choix personnel l’amènerait à Jean-Luc Mélenchon. Bloquée puis déchirée, la fête à la rose pourrait très bien finir la campagne complètement fanée.