Le ministre de la Santé aura le mérite d’avoir mis de côté les concessions habituelles d’Ottawa aux provinces. Évoquant ses priorités, Jean-Yves Duclos a reconnu que c’était à eux de gérer le réseau. Tout le monde s’attendait à une réaction violente du gouvernement Legault. Elle était plutôt polie. Défaite prématurée d’un gouvernement au front nationaliste ou reconnaissance d’une réalité à laquelle le Québec n’échappera pas? Voilà la question. Le ver sur la pomme Dès sa sortie de convalescence du Covid, François Legault haussera le ton. Le front commun des provinces s’ébranlera contre Ottawa, le droit constitutionnel des provinces de gérer seules le réseau de la santé. Ce sera un krach, là où sa ministre Sonia Label était diplomate. C’est le jeu, elle revendique, elle négocie. Mais le front commun provincial pour la santé a toujours été plus fragile qu’il n’y paraît. Quand le ministre Duclos affirme que les citoyens ne sont pas intéressés au bras de fer, il a raison. Seul Québec fonctionne comme un village gaulois en la matière. Jean Charest avait réussi à exclure le Québec des traités d’Ottawa dans le cadre du fédéralisme asymétrique en 2004. Le problème, c’est qu’au fil du temps, des milliards du gouvernement de Paul Martin, qui a été renouvelé par Stephen Harper, ont servi à financer des augmentations de salaire pour les médecins du Québec. Enfin, d’un point de vue strictement comptable. Cette réalité n’est pas passée inaperçue auprès du gouvernement fédéral. Pire encore, il a essentiellement gaspillé les gains d’asymétrie durement gagnés. A tel point qu’en 2016, il n’aura fallu que quelques mois au gouvernement Trinto pour scinder les provinces, pour mettre les modalités de financement autour. Et, quoi qu’en dise le principal intéressé, même Gaétan Barrette avait finalement renoncé. Donc, pour les grands cris contre les accords malfaisants fédéraux ciblés, nous reviendrons. Le précédent a déjà été créé. Faire mieux Bien que le pacte CPL-NPD du début de semaine laisse craindre le pire quant aux ambitions centralisatrices du gouvernement fédéral, le Québec a rarement eu l’occasion de négocier dans un climat aussi favorable. Jean-Yves Duclos, de la Santé, est certainement le moins dogmatique des ministres libéraux. Et Chrystia Freeland, dans la Finance, la puériculture et pendant la pandémie, a montré qu’elle savait négocier efficacement. Surtout, même à Ottawa, nous avons appris une leçon substantielle : sans une réforme substantielle et bien financée des soins de santé, ils sont condamnés à s’effondrer sous leur propre poids. Il appartiendra donc au gouvernement Legault de prouver que la révision du système de santé a des chances de réussir là où d’autres ont échoué. Est-il injuste de laisser tomber le fardeau de la preuve sur Christian Dubé? Absolument, mais c’est la réalité des relations fédérales-provinciales.