Les pénuries d’eau dues à la sécheresse et aux vagues de chaleur intenses n’affectent pas seulement l’environnement et les organismes vivants. Les maisons souffrent également des températures élevées. En témoignent les fissures qui apparaissent dans les murs de plus en plus de maisons depuis les épisodes de sécheresse de ces dernières années. Situation dramatique pour les propriétaires qui peinent à se faire indemniser par les assurances. Cependant, le phénomène est loin d’être isolé. Plus de dix millions de foyers pourraient être concernés en France. En Vendée, des capteurs sont placés dans les fissures de cette maison pour mesurer leur progression. (©JDS)
Les “premières victimes” de la chaleur et de la sécheresse
“Nous sommes les premières victimes de la sécheresse. Les maisons fissurées se remarquent moins que les tornades, les inondations ou les incendies, mais nous avons aussi besoin d’aide et d’assistance”, déclarait en juin 2022 à notre rédaction Les Nouvelles de Sablé Mohamed Benyahia, président de l’association Urgence Maisons. Sarthe a craqué. Depuis 2018, la sécheresse dans le département de la Sarthe a provoqué des fissures dans au moins 200 maisons, dont celle de Mohamed, qui menace de s’effondrer. Il raconte à actu.fr : Tout a commencé par une fissure, en septembre 2018. Malgré la mise en place de soutènements, la maison présente aujourd’hui un danger. On l’entend craquer, je n’arrive plus à dormir, et ça s’aggrave parce que toute la structure est cassée. Mohamed Benyahia Président de l’association Maisons d’urgence fissurées de la Sarthe Mohamed Benyahia, président des Maisons d’urgence fissurées de la Sarthe, devant sa maison fissurée à cause de la sécheresse. (photo ©Mohamed Benyahia)
Pourquoi les maisons craquent-elles ?
Principale cause de l’apparition de ces types de fissures : le réchauffement climatique et ses conséquences au niveau des sols argileux, qui “ont la propriété de voir leur consistance changer en fonction de leur teneur en eau”, explique Géorisques, le portail gouvernemental spécialisé dans les risques . C’est le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux : “En contexte humide, un sol argileux apparaît souple et malléable, alors que ce même sol sec sera dur et cassant”, explique le site. Vidéo : actuellement sur Actu Ainsi, lorsque la teneur en eau d’un sol argileux augmente, il y a augmentation du volume de ce sol, on parle alors de « gonflement argileux ». A l’inverse, une diminution de la teneur en eau va provoquer le phénomène inverse de retrait ou « retrait des argiles ». Les fissures du portail Georisk rendent la cheminée inutilisable chez Cécile. C’est son seul moyen de chauffage. (©Julie Hurisse)
Plus de 10 millions de foyers ont été touchés
Selon le ministère de l’Environnement, 10,4 millions de logements individuels sont “potentiellement très exposés” à ce risque de retrait-gonflement des argiles. “Intensifiés par les épisodes de sécheresse”, ces mouvements de terrain “constituent un risque important en raison des dégâts matériels qu’ils provoquent”, a confirmé le ministère de l’Environnement en 2021, lors de la mise à jour de la carte des zones à risques de la France. Et ce nombre pourrait continuer à augmenter en raison du réchauffement climatique et du risque de canicules et de sécheresses à répétition. Pourcentage de maisons individuelles construites après 1976 exposées à l’argile à retrait-gonflement. (© SDES, 2021.) Cela se passe dans le sud de la Sarthe, par exemple, sur la commune de Saint-Georges-de-la-Couée. Là, une “veine d’argile” qui s’étend sur tout le territoire provoque des fissures dans les maisons avec la sécheresse, expliquait en 2021 le maire Sylvain Bidier à notre rédaction du Petit Courrier. “Avec les sécheresses devenues plus intenses ces dernières années en raison du réchauffement climatique, on observe à certains endroits des déformations des encadrements de fenêtres et de portes, des fissures, des impacts sur le sol des maisons qui ont tendance à s’affaisser”, a expliqué l’élu. Et cette année, la sécheresse historique risque de ne pas aider, au contraire. Une fissure dans une maison causée par la sécheresse. (©La Marne – Illustration)
Compensation, parcours du combattant
Que ce soit en Sarthe, en Vendée, en Seine-et-Marne, dans le nord ou près de Toulouse, les propriétaires de maisons fissurées arrivent tous à la même conclusion : bonne chance pour obtenir une indemnisation et dans la plupart des cas, il faut se livrer à un véritable bras de fer. Déjà, avant que l’assurance n’entre en jeu pour d’éventuelles indemnisations, la commune doit être reconnue comme étant en état de catastrophe naturelle. Pour cela, la commune doit comprendre la préfecture, qui elle-même doit comprendre le ministère de l’Intérieur, détaille notre rédaction Le Journal des Sables, aux Sables d’Olonne (Vendée), où des maisons sont touchées. Ensuite, écrivait-il début août, si une décision ministérielle inscrite au Journal officiel déclare l’état de catastrophe naturelle, la victime, après avoir été avisée du décret, dispose alors de 10 jours pour notifier à son assurance la déclaration de catastrophe. En moyenne, “le processus de reconnaissance prend dix mois”, selon le calcul de Mohamed Benyahia. Ainsi commence, très souvent, une bataille avec les assurances, comme l’expliquait début août à notre rédaction de La Marne, l’association Les Oubliés de la canicule, où de nombreuses maisons sont confrontées au phénomène en Seine-et-Marne. L’obtention de ce décret catastrophe naturelle pour une zone n’est pas une fin en soi et ne garantit pas que les compagnies d’assurances s’engagent à indemniser les victimes à hauteur de leur préjudice et à restituer durablement leurs biens, comme c’était le cas auparavant. ce phénomène reconnu de catastrophe naturelle. Même reconnu comme catastrophe naturelle, il est très difficile d’indemniser, ce n’est pas automatique et 90% des victimes luttent depuis des années. The Forgotten Heatwave Association Cliquez ici pour afficher le contenu
Repenser le processus
En attendant, la situation semble s’aggraver dans les résidences touchées, faute de réparations engagées. Avec la peur pour les victimes, qu’un jour la maison leur tombe sur la tête. Face à cette situation, Mohamed Beniahia dénonce une opacité entourant la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Selon l’arrêté du 26 juillet 2022 portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, seule une vingtaine de communes ont été reconnues à ce titre « glissements de terrain divers résultant de la sécheresse et de la réhydratation des sols ». Près de 120 ont été rejetés. Mohamed Benyahia critique des critères non pertinents et non adaptés à la situation de ces dernières années, liés au manque de transparence dans la prise de décision du comité interministériel. La victime milite pour un changement de méthode. Chaque fois qu’une fissure apparaît, une étude de terrain doit être effectuée et reconnue par les compagnies d’assurance. Ce serait le moyen le plus simple et le plus rapide de déterminer si cette fissure est due à la sécheresse. Mohamed Benyahia Président de l’association Maisons d’urgence en rupture Sarthe. Une façon de faire face à l’urgence de la situation, alors que de 2020 à 2050 la facture des sinistres sécheresse est estimée à 43 milliards d’euros selon la Fédération française de l’assurance. Mais tant que les propriétaires ne sont pas indemnisés et que les travaux et réparations ne sont pas faits, nous “attendons et pleurons”. Est-ce que cet article vous a aidé? A noter que vous pouvez suivre Actu dans l’espace Mon Actu. En un clic, après inscription, vous retrouverez toutes les actualités de vos villes et marques préférées.