Les soupçons des enquêteurs se sont rapidement portés sur Nicolas Zepeda, son ex-petit ami. Le Chilien de 31 ans, extradé de son pays natal et inculpé en juillet 2020 de “meurtre”, est jugé devant le tribunal correctionnel du Doubs à partir de ce mardi. Le procès peut nous aider à comprendre ce qu’il est advenu de la jeune Japonaise, qui n’a plus donné signe de vie depuis le 5 décembre 2016.

“Il doit payer”

Ce jour-là, la jeune femme n’est pas en cours. Une absence qui ne rappelle pas celle de cette étudiante sérieuse et ardue, comme le décrivent son entourage, qui a bénéficié d’une bourse pour étudier au Centre de linguistique appliquée (CLA) de Besançon. Les enquêteurs enquêtent sur la chambre 106 de la maison de Rousseau, où Narumi Kurosaki vit depuis septembre, dix jours plus tard. La pièce est en ordre, aucune trace de lutte ou de sang. Tout y est : son manteau, sa carte bleue, son portefeuille, même 500 euros en espèces. Mais il manque deux choses : sa valise et une couverture. Les enquêteurs sont alors convaincus qu’il ne s’agit pas d’une disparition volontaire. Une information judiciaire sur l’enlèvement et l’incarcération violente s’ouvre le lendemain, 16 décembre. Si son petit-ami d’alors, Arthur, est le premier entendu, les soupçons se portent rapidement sur Nicolas Zepeda, avec qui elle a divorcé quelques mois plus tôt. Surtout, il est la dernière personne à avoir vu Narumi Kourosaki en vie. Les ex-amants se sont rencontrés en octobre 2014 à l’université de Tsukuba au Japon. Après un an et demi de relation, la jeune femme s’installe en France et prend ses distances. Une situation que Nicholas ne supportait pas, d’autant plus que Narumi avait entamé une nouvelle relation – donc avec Arthur. En septembre 2016, le Chilien poste une vidéo sur YouTube – depuis qu’elle a été supprimée – dans laquelle il s’adresse directement à la jeune femme : “Récemment, Narumi a fait de mauvaises choses, ce qui l’oblige à suivre certaines conditions pour entretenir cette relation. […]. Si Narumi peut suivre ces termes pendant deux semaines, je laisserai ces termes sans effet. […]. Elle doit payer un petit prix pour ce qu’elle a fait et supposer que, supposons qu’elle ne puisse aller nulle part en faisant de telles erreurs avec quelqu’un qui l’aime. “Entre leur séparation – fin août 2016 – et le 8 octobre, Nicholas et Narumi ont échangé plus de 1 000 messages, dans lesquels il oscillait entre déclarations d’amour et insultes.

Des cris “qui glacent le sang”

Début décembre, le Chilien se rend en France et renoue avec Naroumi. A 4 ans, les deux ex-amants dînent dans un restaurant d’Ornans, à une vingtaine de kilomètres de Besançon. Ils retournent ensuite à la résidence universitaire de la jeune fille. Devant les enquêteurs, Nicolas avoue avoir eu des relations sexuelles avec elle cette nuit-là, mais affirme avoir quitté la chambre de Narumi le 5 décembre au petit matin, alors qu’il était “en parfaite santé”. Dès cette nuit-là, cependant, une quinzaine d’étudiants vivant dans la résidence universitaire se souviennent des cris “glaçants”. A partir de ce moment, les chercheurs sont sûrs de perdre la trace de l’étudiant japonais. Mais un cluster inonde Nicolas Zepeda, selon les chercheurs. A commencer par le téléphone de Narumi. S’il est inactif depuis le 5 décembre, ils continuent d’envoyer des messages à ses proches via son compte Facebook jusqu’au 13 décembre, date à laquelle Nicolas Zepeda s’envole pour le Chili. Bien qu’il n’y ait aucune preuve que le Chilien soit l’auteur de ces messages, selon les chercheurs, il a demandé à ses amis japonais de traduire plusieurs phrases, telles que “j’ai un nouvel ami, je pars seul” ou “je prends un train pour partir en voyage, je ne peux pas utiliser le wifi”. Et à son arrivée en France le 1er décembre, Nicolas Zepeda avait acheté de la lessive, des allumettes et une boîte de produit inflammable, selon des relevés bancaires divulgués par les enquêteurs. Le lendemain de la disparition de Narumi, il s’est rendu tôt le matin, selon la situation géographique de sa voiture de location, dans une zone forestière près de Dole (Jura). D’importants moyens ont été développés dans ce domaine, mais les chercheurs n’ont pas retrouvé la moindre trace du corps de Narumi.

Recherche menée avec des “oeillères”

Le 7 décembre, le Chilien quitte la France pour se rendre chez un cousin à Barcelone. Interrogé par les enquêteurs, ce dernier donne plusieurs détails troublants, comme le fait que Nicolas parle de Narumi dans le passé, qu’il pose de nombreuses questions sur la mort par étouffement et qu’il lui demande de rester discret sur sa visite. Le 13 décembre, le Chilien quitte l’Espagne et s’envole pour le Chili. Après plusieurs années d’enquête, la justice française demande son extradition, qui deviendra – fait rare – acceptée quelques mois plus tard par les autorités chiliennes. A son arrivée en France en juillet 2020, le jeune homme a été inculpé de “meurtre”. A la veille du procès, “il y a toujours plus de questions que de réponses dans ce dossier”, estime dans 20 Minutes la défense de Nikolas Zepedas, jugeant que l’enquête s’est faite “à l’aveugle”. L’accusé, dont les parents ont fait le voyage depuis le Chili pour l’audience, attend « que le procès vienne et fasse ce que l’enquête n’a pas fait, entendre ses explications et reconnaître que les preuves qui nous sont présentées ne suffisent pas ». “Aujourd’hui, on ne sait toujours pas de quoi il est accusé”, ajoute sa défense. En contact avec 20 Minutes, l’avocat de la famille de Narumi n’a pas souhaité s’exprimer avant le début de l’audience. Nicolas Zepeda, qui a toujours mis en doute tout lien avec la disparition de son ex-petite amie, risque la prison à vie.