Posté à 17h00
                Henri Ouellette-Vézina La Presse             
                Pierre-André Normandin La Presse             

La nouvelle éclosion pandémique sera grandement sous-estimée dans le Grand Montréal et ailleurs au Québec. Au début de la sixième vague, les scientifiques exhortent le gouvernement à redoubler d’efforts pour revenir à un contrôle et à une détection plus systématiques. Parce que, disent-ils, “ça peut aller vite”. « Il y a probablement une très grosse dévaluation à Montréal. Je ne serais pas surpris qu’il y ait dix fois plus de cas que vous ne le pensez, comme en Ontario. Nous ne nous appuyons actuellement que sur les hôpitaux, mais ces données sont à la traîne. “On navigue avec notre vue”, déplore le Dr. Matthew Oughton, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif. Selon les données officielles des tests PCR, les régions à l’extérieur du Grand Montréal comptent en moyenne 42 infections pour 100 000 habitants. Mais cela passe à 103 cas pour 100 000 habitants en Gaspésie, 59 sur la Côte-Nord et 55 dans le Bas-Saint-Laurent. Dans le Grand Montréal, on le compare à 18 cas pour 100 000 habitants, des chiffres qui ne reflètent pas la réalité. Comment une telle situation s’explique-t-elle ? Depuis le début de l’année, l’accès à la PCR est restreint à certains groupes, comme les personnes symptomatiques âgées de 70 ans et plus, les employés clés ou les personnes vivant avec une maladie chronique. Signe que le dépistage est insuffisant, au moins 17,1 % des tests actuellement pratiqués sont positifs au Québec. Cela fait 15 semaines que le taux de positivité a dépassé les 5% recommandés par l’Organisation mondiale de la santé pour bien limiter la progression de la pandémie.

“Ça peut aller vite”

Mais il y aurait un écart important entre la réalité et les données publiées par Québec, si l’on se fie à un sondage hebdomadaire mené par des chercheurs du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO). Ainsi, l’écart de taux d’infection entre la France métropolitaine et les régions est bien moindre, selon les données recueillies. En date du vendredi 25 mars, 3,5 % des répondants non montréalais se disaient positifs face à la COVID-19, comparativement à 2,5 % dans la grande région de Montréal, qui risque d’exploser dans les prochains jours. Certaines régions seront aussi plus touchées qu’on ne le pense, comme l’Estrie, qui laisse présager cette audience à laquelle environ 3 000 personnes ont répondu chaque semaine depuis janvier dernier. Pour l’une des responsables de cette analyse, Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, il est clair que la transmission pourrait être sous-estimée en milieu urbain. «Quand on a une population à très haute densité, avec plein de showrooms, de restaurants, de bars ouverts, la multiplication des contacts et le virus, ça peut aller vite», dit-il, alors que de nombreux commerces à Montréal connaissent des cas de COVID-19. Mme Da Silva rappelle que des études montrent qu’une personne infectée par l’Omicron il y a plus d’un mois et demi “pourrait être réinfectée par le BA.2”, le variant responsable de la grande majorité des nouvelles infections au Québec. “C’est une question sur laquelle nous n’avons pas encore beaucoup de littérature scientifique, mais si elle s’avère fondée, cela signifierait que tout Montréal qui a été infecté en décembre et janvier pourrait être réinfecté à ce moment-là”, a-t-il ajouté. il a dit. Dans l’est et le nord du Québec, la situation est “encore plus critique”, dit-il, car les gens y entretiennent une certaine “innocence immunitaire” car ils ont été peu touchés lors des vagues précédentes.

Tests PCR et évaluation des eaux usées

Pour Benoit Barbeau, virologue et professeur au Département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal, il serait aussi “très étrange” que Montréal soit à un niveau plus bas qu’ailleurs. “Si c’est vraiment le cas, ce n’est qu’une question de temps avant que cela ne change.” Nous parlons d’une ville centrale avec beaucoup de circulation. » Afin d’empêcher le début de la sixième vague au Québec, le virologue exhorte encore une fois Québec à reprendre le dépistage. “Cela comprend le redémarrage des tests PCR plus globalement, mais aussi l’utilisation et l’analyse des eaux usées comme en Ontario. “Nous avons vraiment besoin d’avoir une meilleure image de la situation.” Québec travaille toujours sur “un projet d’évaluation des eaux usées”, mais aucune annonce n’a encore été faite. À Ottawa, le suivi des eaux usées permet déjà de mieux analyser l’augmentation des cas actuels. La plateforme 613-COVID, accessible sur Internet, montre une forte augmentation des nouvelles contaminations ces derniers jours. Dr. Matthew Oughton se félicite de ce type d’initiative numérique. “Après deux ans de pandémie, j’espère que les gouvernements ont compris quelque chose. Quand une vague arrive, il faut s’y préparer, avoir de bons indicateurs. Il est très facile de sous-estimer une courbe de transmission au début. “L’analyse des eaux usées pourrait être un très bon outil dans ce contexte”, a-t-il rappelé.

Bonus étendus

Face à une augmentation du nombre de cas et d’hospitalisations, Québec reconduira au moins jusqu’au 14 mai les mesures prises pour faire face aux absences et à la pression sur le réseau de la santé, dont la « prime COVID ». Il devait initialement se terminer le 16 avril. Cela signifie que la fameuse « prime COVID » de 4 % et 8 % durera au moins un mois de plus pour tous les employés du réseau de la santé. Les syndicats ont salué l’annonce mercredi, mais n’ont pas caché leur agacement. “Il est dommage qu’une éventuelle sixième vague soit nécessaire au gouvernement pour corriger l’erreur d’annulation de ces allocations, incomplète mais nécessaire dans l’immédiat pour éviter les démissions et les blessures dans le service”, a confirmé à l’unanimité la Fédération de la santé et des services sociaux. FSSS-CSN), la Fédération québécoise de la santé (FSQ-CSQ), la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), l’Association des fonctionnaires du Canada (SCFP) et bien d’autres. Henri Ouellette-Vézina, La Presse