Car les bovins sont de loin les élevages les plus émetteurs de gaz à effet de serre, comme le décrit en détail cette infographie retweetée du site Carbon Brief, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) – le document officiel décrivant les efforts à faire filière par filière – constitue une “réduction de la consommation excessive de charcuterie et de viande (hors volaille)” au profit des légumineuses et des fruits et légumes. Pour autant, cette recommandation ne provoque pas l’adhésion des candidats à la présidentielle, révèle l’analyse des programmes menés par The Shifters, une association de bénévoles qui soutient The Shift Project, réservoir spécialisé dans la transition énergétique. Au lieu de cela, cette campagne a vu l’émergence d’une raison de défendre la viande. Face à l’urgence climatique, “les candidats prennent un minimum de risques en proposant des mesures qui impliquent des changements de consommation ou de production”, selon The Shifters. Ainsi, la réduction de la part de la viande dans l’alimentation “est abordée à la marge et saluée par les candidats”. Sur les 12 candidats à l’Elysée, seuls deux – Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon – promettent de promouvoir une alimentation moins carnée.
Crise climatique : on s’est penché sur les programmes des candidats à la présidentielle pour voir s’ils respectent l’accord de Paris D’autres abordent le contenu de l’assiette de manière concave. Sans évoquer la viande, la candidate socialiste Anne Hidalgo défend par exemple “l’autonomie protéique végétale” quand le souverain Nicolas Dupont-Aignan appelle à “l’engagement d’un plan de production et de consommation de fruits et légumes français”. Marine Le Pen propose d’étiqueter l’origine des produits alimentaires “qui pourraient avoir un impact sur une consommation respectueuse du climat”, note The Shifters. Peu était présente dans les programmes, pourtant, la viande se retrouvait au menu de la campagne, mise sur la table par Fabien Roussel. Le candidat communiste a déclaré début janvier que« Bon vin, bonne viande, bon fromage : c’est ça la gastronomie française »susciter la controverse gastronomique-culturel. “Fabien Roussel a jeté un caillou dans le lac pour se démarquer des écologistes et de Jean-Luc Mélenchon. Mais au fond, son programme n’est pas tellement en faveur de la viande”, estime Benoît Granier, directeur alimentation au Réseau action climat. La raison est “efficace d’un point de vue électoral”, note l’expert. Dans une campagne peu axée sur les questions environnementales, la viande est devenue un héritage populaire à défendre contre les attaques présumées de la gauche, souvent accusée de sacrifier les traditions sur l’autel du réchauffement climatique et de la protection de la biodiversité. “N’en déplaise à certains, un trottoir charolais a été rincé au bon vin, c’est la France de la table !” La baisse de la consommation de viande prônée par la SNBC est « à l’opposé d’une augmentation de la consommation de viande associée à une hausse de deux siècles du niveau de vie », note The Shifters. Pourtant, ce fantasme s’érode au fil des années, alors que la préoccupation des Français pour les questions environnementales grandit. Ainsi, la consommation de produits carnés a diminué de 12 % entre 2007 et 2016, selon le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc). Selon une enquête Harris Interactive commandée par le Climate Action Network (RAC) et publiée en février 2021, 48% des personnes qui consomment de la viande – au moins occasionnellement – affirment avoir réduit leur consommation au cours des trois dernières années. Une tendance plus forte dans les villes et les classes supérieures, détaille l’étude, qui révèle en outre que les classes populaires comptent parmi les plus gros consommateurs de viande. Aussi, au-delà des exagérations d’un discours caricatural à l’envers « France bavette » vs « France tofu », manger moins de viande mais une viande de meilleure qualité fait consensus. L’enquête en détail : « 74 % des Français profiteraient des économies réalisées en réduisant la consommation de viande pour investir dans une alimentation de meilleure qualité, et notamment une viande de meilleure qualité (bio, produite localement, payée équitablement au producteur, des animaux élevés à la campagne… ». Une idée défendue par tous les candidats, à commencer par Fabien Roussell lui-même. Car la courte proposition de gastronomie française qui a allumé le barbecue début janvier a souvent été coupée. Interrogé sur une autre passion française (le vin), il a ensuite déclaré : « Le bon vin, comme la bonne viande, vaut mieux boire un peu, mais bon, manger moins, mais bon, boire français et manger de la viande française, mais surtout y avoir accès, car c’est cher ». Tout en bousculant le spectre de l’interdiction de la viande, le candidat communiste a récemment ajouté à sa brochure sur le climat une mesure en faveur de moins de menus à base de viande dans le focus collectif, selon des recommandations publiées fin mars par le Climate Action Network. Benoît Granier. Une mesure qui existe déjà chez Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon, bien que très peu détaillée dans les programmes, selon The Shifters. L’action dans les cantines est conforme à la loi climat, qui a entériné, en août 2021, le début d’au moins un repas végétarien par semaine. Dans une étude publiée le 24 mars dans l’European Journal of Nutrition, des chercheurs de l’Inrae suggèrent d’aller plus loin en supprimant la viande rouge des menus des cantines scolaires. Trois menus végétariens par semaine, poisson et viande blanche aux deux autres déjeuners sont “une manière intéressante d’allier bonne nutrition et respect de l’environnement”, soulignent-ils, soulignant les risques pour la santé d’une suralimentation de viande rouge. D’autres mesures ambitieuses n’ont pas pu être imposées aux programmes, note Benoît Granier, qui cite l’examen des rapports nutrition du Programme national nutrition santé (PNNS). A l’heure actuelle, ce document recommande de ne pas dépasser 500 g de viande rouge par semaine. “Des pays comme le Danemark ont revu ces rapports et recommandent désormais de se limiter à 350 grammes de viande, toutes viandes confondues, par semaine, explique-t-il. On pourrait imaginer des campagnes pour inciter les gens à manger moins de viande, mais mieux.” Une modération qui fait du bien à la fois aux peuples et à la planète, mais qui, selon la majorité des candidats, est un peu politiquement dangereuse.