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                Ariane Lacoursière La Presse             
                Olivier Jean La Presse             

Problèmes d’hygiène et de santé

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Marie Noulouki Mary Nulukie a honte de nous ouvrir les portes de sa maison de Puvirnituq. La grand-mère, qui vit avec 10 autres membres de sa famille, est obsédée par la propreté. Elle aime quand sa maison est propre et sent bon. Mais depuis deux semaines, son réservoir d’eau est sec la plupart du temps. Le jour de notre visite, mardi, il venait d’être privé d’eau depuis 10 jours. Dans ces conditions, il est impossible de se laver. Les plats sont empilés sur le comptoir. Nous ne nettoyons que ce qui est nécessaire pour économiser l’eau. Les toilettes sont rincées très rarement. Avec 11 personnes dans le même foyer, la situation devient rapidement incontrôlable et les odeurs sont omniprésentes. “Quand vous avez assez d’eau, les enfants se disputent pour savoir qui va se baigner”, dit Mary Nulukie en caressant la tête de la fille adoptive de Skylar. Dans le salon, Donovan, 1 an, joue sous l’œil attentif du père de Peter, le fils de Mary Nulouki. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Donovan, 1 an, petite-fille de Mary Nulukie La grand-mère explique que son eau est livrée par camion-citerne municipal environ une fois par semaine. Cette année, cependant, les livraisons sont sans cesse repoussées, voire annulées. “Nos plans changent constamment. “J’ai dépensé tellement d’argent pour acheter de l’eau à boire pour tout le monde”, dit-il. Le manque d’accès à l’eau favorise l’apparition de maladies telles que l’hépatite A (voir autre texte). Il y a une semaine, la Dre Marie-Faye Galarneau, qui travaille au Centre de santé et de services sociaux Inuulitsivik, en avait marre de voir ses patients sans eau. A posté un statut sur Facebook pour signaler la situation. Il a demandé pourquoi il n’y avait pas de plan d’urgence. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Dre Marie-Faye Galarneau Nous avons l’hépatite A, une épidémie de gastro-entérite et tant de problèmes de santé. À Montréal ou ailleurs au Québec, quand les gens sont hors d’eau pendant 24 heures, les gens deviennent fous, les journalistes sont partout pour couvrir l’actualité. Les gens réagissent immédiatement à l’eau et à l’assainissement […] Comment se fait-il que le Nunavik traite tout en silence? Dre Marie-Faye Galarneau, dans un post sur Facebook

Installations incomplètes

Sur les rives de la baie d’Hudson, au Nunavik, le village de 2 000 habitants n’a aucun réseau de distribution d’eau. Une conduite pompe l’eau de la rivière Puvirnituq et parcourt une dizaine de kilomètres pour atteindre la station de pompage du village. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Puvirnituk n’a pas de système d’eau ni d’égouts et compte sur des camions pour distribuer l’eau et évacuer les eaux usées. De là, une conduite achemine l’eau directement vers l’hôpital de Puvirnituq, considéré comme prioritaire. Le reste du village est approvisionné par des camions-citernes qui rempliront les réservoirs de chaque maison. Mais cette année, une rupture mécanique a fait geler pendant des jours la canalisation reliant la rivière à la station de pompage, explique le maire du village Paulusi Angiyou, réuni mercredi à la mairie. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Paulusi Angiyou, maire de Puvirnituq Pour pallier cette pénurie, les pétroliers devaient se rendre directement à la rivière pour y pomper l’eau et revenir au village pour la distribuer. Un scénario long et compliqué. L’hôpital en priorité, l’institution monopolisait à elle seule une grande partie des actions des livreurs. Les habitants ont dû patienter. Parfois longtemps. Pour pallier au drame, sur les cinq camions-citernes qui desservent normalement la commune, deux sont en panne depuis des semaines. « Ils sont en réparation à Montréal. “On ne peut pas faire ça ici”, explique le maire, qui a une cicatrice sur le front après un accident alors qu’il réparait sa motoneige. Au cours des hivers passés, l’eau manquait parfois à Puvirnituq. Mais jamais aussi important que cette année, reconnaît Paulusi Angiyou. En temps normal, les habitants doivent appeler la mairie pour faire le plein. Mais comme elle était inondée d’appels, la population a été exhortée à ne plus le faire. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Les résidents sont parfois limités à la fonte des neiges. Quand ça devient vraiment mauvais, Mary Nulukie fait fondre la neige et l’utilise pour les toilettes ou la vaisselle. Mais le tout prend du temps et donne de petites quantités d’eau. “Le plus dur, c’est que ça finit par sentir mauvais dans la maison. Parfois, vous dormez mal parce que vous vous sentez très sale. » Parce que chaque goutte d’eau est mesurée, même cuisiner devient un véritable casse-tête. Les familles se tournent vers les produits surgelés précuits. Ή à ​​la nourriture traditionnelle : caribou congelé, charbon de bois arctique… La peur de manquer d’eau et la gestion qui en découle causent un stress important aux résidents et monopolisent leurs actions. “Je n’ai plus le temps de coudre…” Cela nous aiderait vraiment à avoir un réseau d’eau et d’assainissement qui a du sens… Nous économiserions de l’énergie et de l’argent. Parfois, je pense que j’attends l’été avec impatience et que je jette tous mes vêtements dans la rivière. Et bien laver ! Marie Noulouki

L’école doit être fermée

Au coeur du village de Puvirnituq, deux écoles se font face. L’école Iguarsivik, qui scolarise les enfants de la 4e année du primaire à la fin du secondaire, est dirigée par Hugo Couillard. À Puvirnituq depuis neuf ans, le directeur dit qu’il doit fermer l’école une dizaine de fois par année à cause du manque d’eau. “Les toilettes débordent et deviennent inutiles. Et cette année, nous avons vraiment manqué d’eau plus souvent que les autres années”, raconte-t-il. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Hugo Couillard, directeur de l’école Iguarsivik de Puvirnituq À la maison avec sa femme Laurence Tessier et ses filles Marion et Lucie, Hugo Couillard manque également d’eau. “Mais je ne m’en plaindrai jamais. Nous sommes quatre. Près de 20 familles se partagent un réservoir. La situation est inacceptable pour tout le monde. “Mais cela n’affecte pas tout le monde de la même manière.” À Puvirnituq, plus de 60 % des habitants sont des enfants. Lorsque les écoles ferment à cause du manque d’eau, les conséquences sont graves pour les parents qui doivent perdre leur emploi. Mary Nulukie a travaillé pendant 15 ans chez DPJ en tant qu’employée. Elle a dû perdre son emploi pendant l’hiver pour cette raison. « En tant que grands-parents inuits, vous ne laissez jamais vos petits-enfants derrière vous », dit-il. Un peu plus loin dans le village, Nelly Iqiquq est également épuisée par le manque d’eau qui bouleverse toute l’organisation familiale. À la maison, sa mère et son mari, Robert Powell, s’occupent de cinq enfants. “Nous essayons d’économiser l’eau. “On fait ce qu’on peut”, a déclaré la sage-femme, qui a rencontré La Presse dimanche. Robert Powell explique qu’ils achètent de grandes cruches pour 8 $ pour que leur famille puisse boire.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Nelly Iqiquq et son mari Robert Powell …

Nelly Iqiquq et son mari Robert Powell