Posté à 18h00
Son plan est difficile à qualifier. Tout dépend des attentes et du niveau de lecture. C’est le meilleur plan climat jamais présenté par le gouvernement fédéral, et de loin 1. Chaque secteur industriel reçoit des objectifs. Et pour la première fois, le secteur pétrolier et gazier n’est pas épargné. Enfin, il devrait réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). De 31 % en 2030 par rapport au niveau de 2005. Mais le document de M. Gilbo reste incomplet. Le coût et l’effet des mesures ne sont pas quantifiés. Il est difficile de savoir comment chaque secteur ferait pour atteindre son objectif. Et même si tel était le cas, il serait encore insuffisant de tenir compte des avertissements des climatologues. C’est le résultat de décennies d’inaction, de déni et d’hypocrisie. Alors que d’autres pays ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre, le Canada a augmenté les siennes. Ils ont bondi de 18 % depuis 1990. Et ils augmentent chaque année depuis 2015. À cause de ce retard, le Canada va trop loin. Les efforts à fournir sont donc énormes. L’objectif de M. Guilbeault n’est pas encore de permettre au Canada de jouer son rôle pour tenter de réduire le réchauffement climatique à 1,5°C. En ce qui concerne la science du climat, c’est frustrant. Mais une lecture politique conduit à une conclusion plus discrète. L’environnement est une compétence conjointe entre le gouvernement fédéral et les provinces. M. Guilbeault veut réduire ses émissions de gaz à effet de serre du secteur pétrolier et gazier sans être poursuivi par l’Alberta et la Saskatchewan. Il a deux options : passer par la loi sur la protection de l’environnement (plutôt simple, mais juridiquement dangereux) ou par la tarification nationale du charbon (complexe, mais moins controversée). M. Guilbeault est le premier ministre à chercher une telle solution, mais il est encore loin de la trouver. Pendant ce temps, l’urgence climatique prend de l’ampleur. Je comprends que certains écologistes soient frustrés par cet objectif. Mais s’il y parvenait, ce serait déjà un petit miracle. Il nécessite une réduction d’environ 40 % des émissions du secteur pétrolier et gazier par rapport au niveau actuel. Et en seulement huit ans ! Cependant, aux yeux de l’Alberta et de la Saskatchewan, limiter simplement les émissions équivaut à déclarer la guerre. Ceci explique les déductions fiscales annoncées pour la séquestration du carbone. Nous saurons dans quelques jours sur le budget s’il s’agit d’une aide médiocre ou d’un cadeau pour acheter la paix. A l’heure actuelle, cette technologie sert surtout de prétexte à l’industrie pour poursuivre son expansion. Mais tant mieux si la déduction fiscale l’incite à réduire son empreinte au lieu de verser des dividendes à ses actionnaires. L’alliance des libéraux avec les néo-démocrates donnera à M. Gilbol le temps de trouver un emploi. Cependant, il sera surveillé de près. Les conservateurs utilisent déjà la guerre en Ukraine pour suggérer d’exporter plus de pétrole et de gaz. Les libéraux prévoient que le Canada augmentera ses exportations de pétrole et de gaz de 300 000 barils équivalents cette année pour remplacer le marché russe. En tant que solution à très court terme, cela a du sens. Mais ce n’est pas une excuse pour abandonner l’autre combat : celui du changement climatique, qui conduira à des conflits, des réfugiés et des morts. Et ce, malheureusement, dans un très long chemin. L’agression russe n’est pas un argument pour miser davantage sur les énergies fossiles. Selon l’Allemagne, c’est plutôt la preuve qu’il faut s’en débarrasser le plus possible. Elle a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 35 % depuis 1990, et Poutine l’encourage à accélérer sa transition énergétique. Les pays exportateurs de pétrole et de gaz réduisent également leurs émissions. La Norvège a réduit la sienne de 13 % depuis 2013. Selon le scénario de neutralité carbone de l’Agence internationale de l’énergie2, la demande de pétrole devrait chuter de 75 % d’ici 2050. Le marché sera alors limité aux gisements les moins chers et les plus polluants. Dans les deux cas, le Canada est en mauvaise position. Ce n’est plus une énergie d’avenir. En plus de l’ambiguïté sur la réduction des émissions du secteur pétrolier et gazier, le plan libéral comporte d’autres omissions. M. Gilbo n’est ministre que depuis cinq mois. La soumission rapide de son plan montre qu’il ne perd pas de temps, mais sa commande passera rapidement. Il devra bientôt expliquer comment il atteindra les objectifs de réduction pour les transports, les bâtiments, l’industrie et l’agriculture. La place manque ici pour les analyser. En résumé, sa stratégie est essentiellement de resserrer et d’améliorer les programmes existants. En 2023, le gouvernement libéral devra faire une évaluation provisoire des résultats. En raison de l’accumulation de toutes ces politiques, il sera difficile d’isoler l’impact de chacune. Cette complexité est un problème. La peur viscérale de déplaire aux électeurs en est une autre. Le plan libéral entretient le reflet d’une révolution énergétique en douceur. Le titre semble provenir du service marketing : “Les prochaines étapes du Canada pour un air pur et une économie forte”. Comme si c’était arrivé presque sans le savoir. Cependant, la réduction rapide des émissions de GES nécessite un changement radical de notre mode de vie. Mais cela, aucun général ne veut le dire à la population. Il y a aussi le problème.