“L’aphasie n’est pas une maladie, c’est un symptôme”, explique Bernard Croisile, neurologue spécialiste de la mémoire. Conséquence d’une atteinte cérébrale, il s’agit d’un trouble du langage causé le plus souvent par un accident vasculaire cérébral (AVC), mais une tumeur au cerveau, un accident vasculaire cérébral, un traumatisme crânien ou des maladies dégénératives comme la maladie d’Alzheimer peuvent également être à l’origine de cette maladie. Elle touche plus de 300 000 personnes en France et plus de 30 000 nouveaux cas sont recensés chaque année selon la Fédération Nationale Française des Aphasiques. “L’aphasie touche l’hémisphère gauche du cerveau qui abrite les zones du langage, de l’expression et de la compréhension orale et écrite, affectant ainsi la capacité du patient à parler, comprendre, lire et écrire”, poursuit le neurologue.

“Un jour tu te réveilles et tu ne peux plus parler”

Handicap invisible, l’aphasie perturbe le quotidien des personnes atteintes et de leur famille. S’il y a différents degrés, toutes les choses simples de la vie quotidienne peuvent devenir extrêmement compliquées pour l’aphasique : comment écrire, lire, parler, regarder la télé, écouter la radio… Difficile dans ces circonstances d’imaginer Bruce Willis continuer à jouer les premiers rôles au cinéma. “Un jour, tu te réveilles et tu ne peux plus parler, les mots ne sortent pas”, raconte Gérard Julien. Aphasique depuis 25 ans suite à un accident vasculaire cérébral, cet ancien architecte de 75 ans, dirigeant de deux associations d’aphasiques, mène un combat constant contre son trouble du langage. “Malheureusement, on ne guérit jamais vraiment”, dit l’épouse de Jacqueline, aujourd’hui vice-présidente de la Fédération nationale française des aphasiques. Les personnes aphasiques peuvent travailler leur langage écrit et parlé avec plusieurs heures d’orthophonie par semaine, mais même lorsqu’elles le retrouvent, les personnes aphasiques ont encore besoin de temps pour accomplir une tâche car chaque étape leur demande un effort. , la recherche du mot juste, la formation du mot… “C’est un travail de longue haleine, fait en plusieurs années”, dit Jacqueline. Mais le plus compliqué est sans doute la gestion de l’exclusion sociale résultant du trouble : « Quand on ne peut plus parler, lire ou écrire normalement, comment se fait-on comprendre, comment garde-t-on le contact ? »

Le soignant au cœur du processus de guérison

Le travail du soignant est donc essentiel. “Je suis devenue la moitié de lui, l’hémisphère gauche de son cerveau”, souffle Jacqueline. Chercher sur internet, lire un article, comprendre un film : “Gérard a encore besoin de moi, il arrive encore à regarder quelques talk-shows ou à regarder des films, mais seulement ceux qu’il connaissait déjà bien il y a 25 ans”, dit-il. “Il faut beaucoup de patience, apprendre à prendre son temps quand on leur parle (les aphasiques), à ne pas les interrompre, à ne pas changer de sujet sans cesse…”, énumère Jacqueline. L’aphasie est invalidante, mais elle n’est pas une fatalité. “L’envie de parler, de rencontrer des gens, c’est le plus important”, insiste Gérard Julien. “Seule la volonté peut changer les choses”, assure la femme de Jacqueline. Pour aider les personnes aphasiques et leurs familles, la Fédération Nationale des Aphasiques de France œuvre pour la réinsertion et la réinsertion sociale des malades. Elle propose notamment une série de séminaires de sensibilisation et de formation pour les proches aidants afin de « mieux communiquer » et de « mieux vivre » à travers le pays.