Regardez en direct l’actualité des élections présidentielles 2022 Le projet, explosif, ne recueille pas l’adhésion des Français et des Françaises : un sondage de l’institut Ipsos pour le think tank Landoy indique que 60 % d’entre eux souhaiteraient un âge légal de départ à la retraite “entre 60 et 62 ans”. A gauche, la plupart des candidats ne souhaitent pas atteindre l’âge initial de 62 ans. Certains, comme Jean-Luc Mélenchon et Fabien Roussel, veulent même le réduire à 60 ans. Seule Valérie Pécresse est d’accord avec le président sortant. Eric Zemmour propose de passer à 64 ans, proposition initialement défendue en 2019 par Emmanuel Macron. Sur quelle base repose cette proposition de réforme, quel serait son impact sur le taux d’emploi des seniors ? Franceinfo répond aux questions qui se posent.

1 Comment Macron et Pecres justifient-ils leur proposition ?

Le premier argument avancé par les partisans d’Emanuel Macron est financier. “Il s’avère que le système des retraites est un système déséquilibré qui perd de l’argent chaque année”, a confirmé le 16 mars le ministre de la Santé Olivier Véran. Relever l’âge de la retraite à 65 ans permettrait d’économiser 7,7 milliards d’euros par an d’ici 2027 et 18 milliards d’euros d’ici 2032, selon une estimation de l’Institut Montaigne, un groupe de réflexion libéral. , rapporté par Les Echos. Une façon, selon Richard Ferrand, est de “travailler plus dur” pour “produire plus de richesses pour financer notre modèle social, notre éducation, notre système de santé, nos armées”. A l’argument économique s’ajoute, selon LREM et les Républicains, celui de l’espérance de vie. “On va vivre plus longtemps, il va falloir travailler plus dur”, a déclaré Valérie Pécresse sur RTL pour défendre sa proposition. Une justification similaire à celle de Nicolas Sarkozy, en 2010, lorsqu’il avait relevé l’âge minimum pour commencer de 60 à 62 ans.

2Le financement des retraites est-il déficient ?

La réponse à cette question dépend du moment dans lequel nous nous plaçons. Le système de retraite a affiché un déficit de près de 18 milliards d’euros en 2020, selon un rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) publié en juin 2021. Comme l’explique un article du Monde, cette baisse des recettes est principalement liée au Covid-19. pandémie et “diminution des affaires”. Le système de retraite devrait donc revenir à l’équilibre d’ici 2030, indique le CdR dans son rapport. Une conclusion qui pousse Julie Landour, sociologue à l’université PSL Paris-Dauphine, à qualifier la justification économique d’« idéologique ». « Les réformes de 2003 et 2010 [qui a repoussé l’âge légal de départ à 62 ans] centrée justement sur les questions de financement, explique la chercheuse à franceinfo. Les dépenses de retraite ne devraient pas dépasser 14 % du PIB actuellement. “Nous n’en voyons pas encore les conséquences, car c’est un processus visible à long terme”, souligne le CdR. « Nous savons que le système est viable, car les réformes précédentes prévoyaient une baisse du taux de remplacement. [c’est-à-dire le pourcentage de votre dernier revenu que vous conserverez à la retraite]qui passera de 50% aujourd’hui à 37%”, explique le chercheur. En d’autres termes, le montant des pensions individuelles diminuera au fil des années à mesure que le nombre de retraités augmentera.

3 Doit-on relever l’âge de la retraite à mesure que l’espérance de vie augmente ?

C’est l’un des principaux arguments de ceux qui défendent la retraite à 65 ans. Selon les données de l’INSEE, l’espérance de vie des femmes est passée de 84,3 ans en 2008 à 85,4 ans en 2021. Pour les hommes, l’augmentation a été un peu plus élevée, passant de 77,6 ans. en 2008 à 79,3 ans en 2021. une forme de stagnation est observée depuis 2014. Au vu de ces données, il serait donc logique de repousser l’âge de la retraite, disent les partisans de la retraite à 65 ans. Mais d’autres, comme Jean-Luc Mélenchon, pointent du doigt les données derrière les moyennes de l’INSEE. Un article de Libération, basé sur des données recueillies par l’institut, souligne ainsi “qu’un quart des plus pauvres sont déjà décédés à l’âge de la retraite”. “Les cadres disposent d’un ensemble de ressources qui leur permet de vivre plus longtemps et en meilleure santé”, confirme Julie Landour, qui rappelle qu’une espérance de vie “en bonne santé” est de “63 ans pour les hommes et de 64 ans pour les femmes”. Avec la mise en place d’un “régime universel” et la suppression des régimes spéciaux, aucun Français ne pourrait donc partir avant 65 ans ? Pas forcément, si l’on veut en croire les partisans d’Emmanuel Macron, qui promettent de prendre en compte le travail acharné. Olivier Véran a ainsi assuré “sans équivoque” qu’une “aide-soignante ne travaillera pas jusqu’à cet âge”. Dans le système actuel, un dispositif, le compte personnel de prévention, permet de partir jusqu’à deux ans plus tôt en cas de travaux pénibles. “Mais un décret datant de 2017 a largement revu les périmètres à partir desquels on peut prétendre à un métier pénible et certains critères, comme celui des charges lourdes, ont été supprimés”, explique Julie Landour. “Cela signifie que 40% des salariés qui étaient auparavant concernés par ces critères n’ont plus le droit de le faire.”

4 La retraite à 65 ans peut-elle améliorer le taux d’emploi des seniors ?

C’est ce qu’a confirmé Emanuel Macron, interrogé par France Bleu. “Plus les employeurs savent que vous prenez votre retraite à 62 ans, moins ils vous embauchent”, a-t-il expliqué pour justifier sa décision. Aller à 65 ans peut “signaler les entreprises” et “les encourager à embaucher des personnes âgées de plus de 55 à 65 ans”, explique Monica Kweiser, experte en retraite à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En France, “le taux d’emploi des seniors (55 ans et plus), bien qu’en constante augmentation, reste faible par rapport aux autres pays européens, notamment chez les plus de 60 ans”, explique une note du ministère de l’Economie. Fin 2019, le taux d’emploi des 60-64 ans était de 34 % en France, contre 63 % en Allemagne et 47 % dans la zone euro. L’un des facteurs explicatifs en est l’absence de mesures prises pour intégrer les seniors sur le marché du travail. “En fin de compte, la question n’est pas tant l’âge d’apparition que la façon dont on va permettre aux gens de vieillir du mieux qu’ils peuvent sur le lieu de travail”, explique Julie Landour. Le chercheur pointe du doigt d’autres pays européens, notamment “la Suède”, qui ont mis en place “des régimes de retraite à temps partiel progressifs”. La question de la « formation des seniors » est également importante, note Monika Queisser, citant l’exemple de l’Allemagne, qui accompagne souvent les personnes en fin de carrière vers des postes plus adaptés.