Posté à 5h00
                Marc Thibodeau La Presse             

Selon le ministère britannique de la Défense, au moins 1 295 d’entre eux ont réussi à franchir la route maritime lundi, établissant un record pour une seule journée. Les chiffres compilés par la BBC montrent que plus de 20 000 migrants ont traversé en bateau depuis le début de l’année, contre 11 300 à la même période l’an dernier. PHOTO PAR GARRETH FULLER, PRESSE ASSOCIÉE Un groupe de migrants présumés est emmené à Douvres par un navire des forces frontalières à la suite d’un incident de petit bateau dans la Manche dans le Kent, au Royaume-Uni, mardi.

Décision rapide

William Feuillard, qui travaille pour une association calaisienne d’aide aux migrants côté français, a déclaré mardi à La Presse que l’augmentation des traversées en bateau était due à des mesures de surveillance accrues visant à empêcher toute traversée illégale de la Manche depuis Eurotunnel ou le port. de Calais. Les migrants sont “entre les mains de passeurs” qui peuvent lancer leur bateau n’importe où sur une côte de plus de 100 kilomètres, rendant pratiquement “impossible” tout contrôle efficace par les autorités. La distance à parcourir est parfois sensiblement plus longue qu’à Calais, augmentant d’autant les risques d’accidents. “Entre ce qui les attend s’ils restent dans la zone et le risque qu’ils doivent prendre en prenant le bateau, la décision est vite prise”, note M. Feuillard. Selon M. Feuillard, le gouvernement français fait tout pour rendre “l’enfer” la vie des migrants qui se rendent dans la région. Les infrastructures d’accueil étatiques sont quasi inexistantes et les forces de police multiplient les opérations en confisquant tentes et matériel, les forçant à se débrouiller au mieux face aux éléments, souvent avec l’aide d’associations locales. M. Feuillard note que l’association l’Auberge des migrants, à laquelle il est lié, a distribué l’an dernier de très grandes quantités de bois de chauffage pour permettre aux émigrants d’allumer des feux et de supporter au mieux les rigueurs de l’hiver. Les migrants, ajoute-t-il, doivent également faire face au risque d’être contraints de demander le statut de réfugié dans leur pays d’arrivée au sein de l’Union européenne et “d’attendre et d’attendre” une réponse lorsqu’ils se trouvent dans une situation difficile. Beaucoup, note M. Feuillard, sont convaincus qu’ils ont plus de chances de s’intégrer durablement en Grande-Bretagne et de trouver rapidement un emploi qui puisse leur faciliter la vie en attendant une éventuelle légalisation du statut.

Un programme controversé

L’afflux de migrants inquiète le gouvernement conservateur du Premier ministre Boris Johnson, qui a annoncé au printemps un programme controversé visant à envoyer au Rwanda des migrants qui arrivent en Grande-Bretagne par “des méthodes illégales, dangereuses ou inutiles”. Le premier vol charter pour transporter des migrants vers l’État a été interrompu en juin sur ordonnance de la Cour européenne des droits de l’homme, retardant l’entrée en vigueur du programme d’au moins quelques mois. Le gouvernement maintient cependant son intention d’aller de l’avant avec l’objectif avoué de décourager les traversées de migrants en petites embarcations. La ministre des Affaires étrangères Liz Truss, qui est la favorite pour remplacer Boris Johnson à la tête du Parti conservateur et du gouvernement, a déjà clairement indiqué qu’elle avait l’intention de conserver le programme et chercherait même à l’étendre à d’autres pays. Le Refugee Council, un organisme d’aide aux migrants, a déclaré mardi dans un communiqué que la décision du gouvernement britannique de “traiter les gens comme une cargaison en les envoyant au Rwanda” n’a rien fait pour arrêter les tentatives de traverser la Manche. Les personnes qui tentent de la traverser ont fui la guerre et l’oppression dans des pays comme l’Afghanistan et la Syrie et “n’ont pas le choix” de se lancer dans des voyages “terrifiants” pour enfin être en sécurité, souligne son président, Enver Solomon. M. Feuillard note que les migrants qu’il rencontre à Calais prêtent peu d’attention aux menaces d’expulsion vers le Rwanda lorsqu’ils en ont connaissance. “Ils ont d’autres soucis en tête”, note le militant, qui exhorte la France et la Grande-Bretagne à repenser leurs façons de faire au lieu de s’entêter à recourir à la dure. L’approche flexible utilisée cette année avec les Ukrainiens fuyant la guerre, qui ont réussi à s’installer dans les pays de leur choix de la zone européenne, montre qu’un accueil plus “digne” des migrants est possible, dit-il. “Il faut du pragmatisme et du courage politique pour y arriver”, conclut M. Feuillard.