La diffusion vendredi d’une vidéo montrant des détenus et des gardiens de la prison de Fresnes, dans le Val-de-Marne, s’affrontant ensemble dans un tournoi baptisé “Kohlanness” en hommage à la populaire émission télévisée, a indigné la classe politique à travers le week-end. La droite et l’extrême droite jugent donc indécentes les images de prisonniers conduisant des karts ou participant à des jeux aquatiques. Alors que la Garde des Sceaux a annoncé l’ouverture d’une enquête administrative, la question se pose désormais de savoir dans quelle mesure les services en amont ont été informés de l’incident. Un document reçu ce lundi matin permet d’y voir un peu plus clair : BFMTV a en effet pu obtenir le contrat conclu entre la production de “Kohlanness” et l’administration de la prison de Fresnes. Contacté, le ministère de la Justice assure cependant ne pas avoir eu connaissance de cet accord.

Un contrat et une feuille de route

La feuille de route, établie en double exemplaire et signée le 25 juillet – deux jours avant l’événement – évoque sans ambages l’organisation de « 4 événements d’une durée d’environ 30 minutes à 1 heure ». Ensuite, ce contrat entre la production et la maison d’arrêt de Fresnes détaille ces quatre événements : “Questions sur un Mario, le parcours du Kart, Plongeon avec les étoiles, tir à la corde au-dessus du bassin d’eau.” Extrait de la convention entre l’association “Kohlanness” et la prison de Fresnes. © BFMTV

Validation

Enzo Angelosanto faisait partie de cette convention. Et pour cause, il est le producteur de ‘Kohlanness’. Présent lundi matin sur notre plateau, il a également souligné : “On n’allait pas mettre en péril la production, donc on s’est mis d’accord sur un accord avec l’administration des prisons de Fresnes. Il faut en tant que producteur avoir quelque chose de contractuel”. Par définition, un contrat – ou ici un accord – implique le respect d’obligations. “Il fallait valider toutes les images”, a argumenté Enzo Angelosanto. Oui, mais validation par qui ? “Et cela devait passer par des fonctionnaires du ministère de la Justice liés au Cabinet”, a répondu le producteur. “Tout a évidemment été validé, nous n’opposerions jamais le ministère de la Justice. Nous avons un service à domicile, une fois le traitement finalisé, nous avons envoyé un certain nombre de décharges”, a-t-il déclaré.

Mise à jour du ministère de la justice

Place-Vendôme a également réagi à la divulgation de ce document. Le ministère de la Justice a admis qu’un accord avait bien été signé entre la prison et les organisateurs, mais a affirmé qu’il n’était pas au courant du contrat. La Chancellerie soutient qu’elle a été approchée – que ce soit le cabinet ou le service de communication – lorsque les médias, en l’occurrence Konbini et Le Parisienont été invités à assister aux essais. Dominique Simonnot, inspectrice générale des lieux de privation de liberté, nous a fait part de son ressenti face à ces deux versions. “Un événement comme celui-ci ne peut pas avoir lieu sans des accords au plus haut niveau”, a-t-il déclaré, tout en poursuivant : « Sans doute le ministre ne connaissait-il pas le karting. Mais ces deux minutes de course valent-elles vraiment cette frénésie ? s’interroge-t-il cependant en enchaînant : “Cette enquête administrative à mon sens va se terminer rapidement car il y a un contrat où tout est écrit.”

« Kohlanness » : un concept qui vient de loin

Dominique Simonnot a mis en perspective la “Kohlanness” avec le panorama des activités proposées dans la prison, activités qu’elle a également dénoncées comme trop peu nombreuses selon elle, compte tenu de la population carcérale. “Beaucoup d’autres choses et activités se passent dans les prisons – VTT, équitation, matchs de football, escalade entre prisonniers et gardiens – les photos ne sont tout simplement pas publiques”, a-t-il déclaré. “En France, nous sommes un pays où quand les choses se font en cachette tout va bien, et où quand les choses sont rendues publiques elles tournent mal. C’est surtout de la mauvaise foi.” Selon Enzo Angelosanto, « Kohlanness » va très loin. L’idée elle-même est née il y a cinq ans. Pourtant, c’était la première fois qu’il poussait les portes d’une prison et confondait gardiens et détenus. Revenant sur la genèse du tournoi du 27 juillet, il a répété : “Nous étions en contact depuis plusieurs mois avec un coordinateur de Fresnes. On leur a donné confiance, on leur a proposé ce programme.” Un projet de rapprochement qui aurait pu rendre possible un contrat, mais qui n’aurait évidemment pas empêché les querelles politiques. Alexandre Blot Luca avec Robin Verner